Comment élever ses enfants pour transformer la société avec Catherine Gueguen #237
Comment élever ses enfants ? C’est une question essentielle que se posent tous les parents, à chaque étape du développement de leur enfant. Dans un monde où les repères éducatifs évoluent et où les injonctions sont nombreuses, il peut être difficile de trouver un chemin clair.
Dans cet article, nous vous proposons un éclairage à partir de l'interview accordée au podcast Les Adultes de Demain par Catherine Gueguen, pédiatre, autrice des ouvrages Pour une enfance heureuse et Heureux d’apprendre à l’école. Son expertise repose sur les dernières découvertes en neurosciences affectives et relationnelles, et sur une conviction forte : élever un enfant avec empathie et bienveillance contribue non seulement à son épanouissement, mais aussi à transformer la société de demain.
À travers son regard de spécialiste, nous verrons pourquoi et comment adopter une éducation respectueuse des besoins profonds de l’enfant, sans punition ni humiliation, mais avec un cadre sécurisant, un soutien constant et une relation de confiance.
Pourquoi et comment élever ses enfants autrement ?
Dans de nombreuses cultures, y compris la nôtre, les violences éducatives ordinaires sont encore largement répandues. Châtiments corporels, humiliations verbales, menaces ou punitions : ces pratiques, souvent considérées comme des méthodes éducatives traditionnelles, sont en réalité le reflet d’un héritage culturel profondément ancré.
Catherine Gueguen le rappelle :
« Dans le monde entier, dans toutes les cultures, dans toutes les religions, les adultes ont toujours violenté les enfants. »
Cette manière d’élever, fondée sur le rapport de force, repose sur une croyance erronée : celle qu’il faudrait « dresser » l’enfant pour qu’il devienne un adulte bien élevé et capable de réussir à l’école. Comme l’explique Catherine Gueguen :
« Peut-être que les adultes se sont dit : l'enfant est un animal sauvage, il faut le dresser. Et ils pensent qu'en le dressant, l'enfant va bien se comporter et ensuite bien travailler à l'école. »
Les conséquences de ces violences sur les enfants sont pourtant connues et largement documentées. Elles laissent des blessures profondes, parfois invisibles, mais durables. Catherine Gueguen souligne :
« Les blessures subies pendant l'enfance se transforment à l'âge adulte en destructivité. »
Les recherches en neurosciences affectives apportent un éclairage nouveau et incontournable : l’éducation fondée sur la violence, même sous couvert de bienveillance, nuit au développement harmonieux de l’enfant. Les relations bienveillantes et empathiques ne sont pas un luxe, elles sont une nécessité pour le bon développement du cerveau. Selon Catherine Gueguen :
« Les chercheurs ont montré que pour bien se développer, l'être humain a besoin de relations empathiques, soutenantes, bienveillantes. Et qu'il faudrait totalement bannir toutes les humiliations physiques et psychologiques. »
Il s’agit d’une véritable révolution éducative :
changer notre regard sur l’enfant ;
abandonner les schémas de domination ;
accompagner son développement dans le respect de ses besoins profonds.
Comment élever ses enfants avec bienveillance selon Catherine Gueguen ?
L’éducation bienveillante repose sur des piliers fondamentaux :
l’empathie ;
le respect des émotions et es besoins de l’enfant ;
le refus des punitions comme des humiliations.
Elle ne signifie en aucun cas un laisser-faire, mais bien un cadre sécurisant dans lequel l’enfant peut grandir en confiance, comme le rappelait Isabelle Filliozat dans l'épisode sur comment éduquer sans violence ni laxisme.
Pour Catherine Gueguen, les punitions sont inconcevables :
« Punir, c'est faire souffrir l'autre. Et c'est croire que la souffrance fait progresser. Non, la souffrance ne fait pas progresser. Surtout la souffrance dans la relation humaine. »
Éduquer sans punir, Roseline Roy en avait d'ailleurs parlé au micro du podcast Les Adultes de Demain
Elle insiste sur la nécessité d’un lien solide entre l’adulte et l’enfant :
« Les punitions détériorent totalement la relation parent-enfant ou enseignant-enfant. L'enfant, en fait, est en colère contre l'adulte. Il est triste et il ne se sent plus en sécurité affective avec l'adulte. »
Il est d'ailleurs question de cette notion de lien dans l'épisode sur la théorie de l'attachement avec Gabrielle Douieb.
À l’inverse, une éducation bienveillante place la relation au cœur du projet éducatif : c’est en offrant un environnement émotionnellement sécurisant, en répondant aux besoins et aux détresses de l’enfant, que celui-ci peut s’épanouir et apprendre.
La communication non violente (CNV), abordée dans l'approche Faber et Mazlich avec Guila Clara Kessous, joue ici un rôle central. Elle permet de :
reconnaître ses propres émotions et besoins ;
comprendre ceux de l’enfant ;
entrer dans un dialogue respectueux.
Catherine Gueguen décrit ainsi son importance :
« Cette approche, elle est fondamentale puisqu'elle permet de pouvoir parler de nos émotions, comprendre les émotions des autres, comprendre nos propres besoins, comprendre les besoins des autres. Et ça change absolument tout dans la relation. »
Cette éducation bienveillante n’est pas seulement un idéal individuel : elle représente un véritable changement de paradigme pour accompagner les enfants à grandir, en leur offrant les conditions nécessaires à leur développement harmonieux.
Comment élever ses enfants sans punition : poser un cadre bienveillant
Contrairement à une idée reçue, éducation bienveillante et absence de punition ne signifient pas absence de cadre. Bien au contraire : l’adulte a un rôle essentiel à jouer pour guider l’enfant, lui transmettre des valeurs et poser des limites claires, sans jamais recourir à l’humiliation ou à la violence.
Catherine Gueguen rappelle :
« Cette éducation empathique, soutenante, bienveillante et sans humiliation et qui tient compte des émotions et des besoins de l'enfant, ce n'est pas faire n'importe quoi. C'est-à-dire que l'adulte doit transmettre des valeurs. Il doit savoir poser un cadre. Il doit savoir dire non. Mais il le fait sans humilier l'enfant. Et ça, c'est très important. »
Ainsi, lorsque l’enfant adopte un comportement inadapté, il s’agit de le corriger dans le respect, tout en nourrissant la relation de confiance indispensable à son développement :
« Quand l'enfant n'a pas un comportement adéquat, qu'est-ce qu'il lui dit ? Il lui dit : non, on ne dit pas ça. On ne fait pas ça. Mais toujours : je te fais confiance. Car c'est la confiance dans l'enfant et dans tous les êtres humains qui nous fait progresser. »
Plutôt que de miser sur la peur ou la domination, cette approche encourage l’enfant à avancer, à apprendre de ses erreurs, et à grandir en étant soutenu et encouragé. Comme le résume Catherine Gueguen :
« Il faut juste faire confiance à l'enfant et lui dire qu'il peut progresser. »
C’est dans ce climat respectueux, sans rapport de force, que l’enfant apprend à coopérer, à respecter les autres et à s’épanouir pleinement.
Comment les émotions et les relations influencent le développement de l’enfant
Les découvertes récentes en neurosciences affectives ont transformé notre compréhension du développement de l’enfant. Elles montrent à quel point les émotions, les relations et l’environnement éducatif façonnent son cerveau, bien au-delà de ce que l’on imaginait.
Ce que nous apprennent les neurosciences affectives
Les neurosciences affectives, comme l’explique Catherine Gueguen, sont des sciences récentes qui révèlent l’importance des émotions et des relations dans le développement de l’enfant :
« On ne savait pas du tout qu'une grande partie de notre cerveau était dévolue aux émotions et aux relations. Donc, cela signifie que, pour nous, les humains, nos émotions et nos relations sont fondamentales. »
Ces recherches soulignent que les humiliations et les violences, même dites éducatives, nuisent au développement harmonieux du cerveau, tandis que des relations empathiques et soutenantes favorisent la maturité émotionnelle et intellectuelle.
Ainsi, alors que les bébés sont tous empathiques à la naissance, ils ne le restent pas forcément en grandissant. Pourquoi un tel phénomène ?
« Eh bien, malheureusement, nous, pédiatres, nous le savons, parce que l'enfant dès la première année de vie reçoit énormément d'humiliations verbales et physiques. Et ces humiliations empêchent le développement de l'empathie », explique Catherine Gueguen.
L’influence des relations empathiques sur le développement global
Les relations empreintes d’empathie nourrissent à la fois le cerveau affectif et le cerveau cognitif. Catherine Gueguen insiste :
« On sait que l'empathie va développer globalement tout le cerveau et ça, c'est fondamental. »
Elle précise aussi l’impact des émotions sur les capacités d’apprentissage :
« Le stress empêche l'hippocampe cérébrale de se développer. Et l'hippocampe, c'est la structure cérébrale qui nous permet de mémoriser et d'apprendre. [...] Alors qu'au contraire, on sait que l'empathie, le soutien et l'encouragement permettent le développement de l'hippocampe. »
L’épigénétique : quand l’environnement modifie l’expression des gènes
L’environnement éducatif ne façonne pas seulement le comportement : il agit jusque dans l’expression des gènes, comme l’explique Catherine Gueguen :
« L'épigénétique, c'est l'environnement qui peut modifier l'expression des gènes. Et on sait, par exemple, que la façon d'être avec les enfants peut modifier l'expression des gènes. »
Les relations bienveillantes, dès la petite enfance, participent ainsi à poser les bases d’un développement harmonieux, à la fois sur le plan émotionnel, intellectuel et biologique.
©Tima Miroshnichenko
Comment accompagner les parents dans leur rôle
Pour élever un enfant dans la bienveillance, les parents ne peuvent ni ne doivent être seuls. Catherine Gueguen plaide pour un véritable accompagnement, dès la grossesse, afin de soutenir les adultes dans leur rôle éducatif.
Pourquoi les parents ont besoin d’être soutenus
Catherine Gueguen insiste sur l’importance d’un accompagnement précoce :
« On les prépare à l'accouchement, mais on ne les prépare pas à ce que c'est qu'un enfant. [...] Il faut qu'on accompagne les parents dès la grossesse sur ce qu'est un enfant et ensuite accompagne pendant tout le temps de la vie de l'enfant à comment faire vis-à-vis des enfants. »
Elle souligne aussi le rôle que pourrait jouer un congé post-natal digne de ce nom, à l’image des pays nordiques :
« J'aimerais qu'il y ait un congé post-natal, comme dans les pays nordiques, long au moins la première année de vie, réparti entre les deux parents, et accompagné par des professionnels bien formés et bien rémunérés. Ça changerait tout. »
Léa Johansen Bjarrum, aka Manipani, avait effectivement souligné les nombreux points positifs de la parentalité scandinave dans l'épisode dédié, donc le fameux congé parental conçu comme un véritable temps long d'adaptation pour les parents et pour l'enfant.
L’exemple du Danemark illustre parfaitement ce qui pourrait être mis en place sans coût démesuré, illustre Catherine Gueguen :
« Dans leur quartier, ils se réunissent chez les uns, chez les autres. Un petit groupe, à peu près de 9-10 parents. Et il y a des professionnels de l'enfance qui viennent s'il y a des questions spécifiques. Et c'est un soutien, paraît-il, qui dure toute la vie. »
Et de rappeler :
« Il n'y a pas besoin de maison des mille jours. »
Par contre, alors que la loi de juillet 2019 sur les violences éducatives ordinaires incluait une formation des professionnels de l'enfance, rien n'a été fait par le gouvernement. Pour Catherine Gueguen, il faut absolument former les professionnels de l'enfance pour qu'ils sachent accompagner les adultes. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle a mis en place un DU (diplôme universitaire) à la Sorbonne sur la qualité de la relation au cœur du développement de l'enfant, à destination des professionnels de santé.
Cette loi sur les VEO devrait d'ailleurs concerner toutes les adultes et tous les lieux de vie. Parce que la maltraitance subie par les enfants, elle est partout.
L’importance de l’exemplarité des adultes et du collectif
Catherine Gueguen appelle donc à une mobilisation plus large de la société :
« Il faut que les adultes en relation avec les enfants, c'est-à-dire tous les adultes, pas que les parents, soient accompagnés, soutenus dans l'éducation de leurs enfants. Parce que ce qu'on leur demande, c'est totalement, je le redis, une révolution éducative. »
Elle milite également pour une grande campagne nationale :
« J'aimerais qu'il y ait des grandes campagnes qui touchent toute la société entière pour que, partout où il y a des enfants, on puisse ne plus les humilier verbalement et physiquement. J'aimerais ça, une grande campagne nationale sur la bienveillance vis-à-vis des enfants. »
Le vœu de Catherine Gueguen : des adultes soutenus pour des enfants épanouis
Pour Catherine Gueguen, ce soutien est la clé d’une transformation profonde. Et elle affirme avec optimisme :
« Moi, j'y crois totalement, parce que je vois la motivation et l'engagement de mes jeunes collègues (professionnel·les de santé) qui font le DU et qui arrivent à convaincre les adultes autour d'eux. »
Comment élever ses enfants pour un avenir plus serein ?
Élever ses enfants dans le respect de leurs besoins, de leurs émotions et sans rapport de force, c’est avant tout bâtir une relation fondée sur la confiance et la bienveillance. Comme le souligne Catherine Gueguen, cette démarche représente une véritable révolution éducative, à laquelle parents et société doivent ensemble contribuer.
À chaque étape, des repères existent pour guider les adultes dans ce chemin exigeant mais porteur d’espoir : éducation bienveillante, communication non violente, accompagnement dès la grossesse… Autant de clés pour répondre à cette question essentielle : comment élever ses enfants dans un monde en mutation ?
Références :
Pour une enfance heureuse, Catherine Gueguen, Pocket, 2015
Heureux d’apprendre à l’école, Catherine Gueguen, Pocket, 2019
Lettre à un jeune parent, Catherine Gueguen, Les Arènes, 2020
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