Comment organiser les vacances scolaires de ses enfants ? avec Solenne Bocquillon-Le Goaziou et Alice Nouvel Iruela #236

Organiser les vacances scolaires de ses enfants relève souvent du casse-tête pour les parents : comment combler 16 semaines de congés quand on n’en dispose soi-même que de cinq ? Faut-il prioriser la garde, le repos, les cahiers de vacances… ou autre chose ? Et si cette période devenait surtout une opportunité précieuse pour le développement des compétences psychosociales des enfants ?

C’est tout l’objet de l’épisode spécial du podcast Les Adultes de Demain animé par Stéphanie d’Esclaibes, qui réunit deux expertes de l’éducation et de l’enfance :

À travers leurs regards complémentaires, elles livrent des clés concrètes et inspirantes pour repenser l’organisation des vacances scolaires autour de l’épanouissement, de la découverte, et de l’apprentissage de la vie en société.

Organiser les vacances scolaires : un vrai défi pour les familles

Gérer les vacances scolaires des enfants représente chaque année un défi logistique et émotionnel pour de nombreux foyers. En France, les élèves bénéficient de 16 semaines de vacances par an, alors que la plupart des parents salariés ne disposent que de cinq semaines de congés. Un déséquilibre majeur qui oblige les familles à jongler, improviser, et parfois culpabiliser.

« C’est un véritable casse-tête pour beaucoup de familles », témoigne Alice Nouvel Iruela, directrice de Bloomdayz. « On ressent profondément chez les parents, tiraillés entre leurs obligations professionnelles et leur désir d’offrir à leurs enfants des vacances stimulantes et joyeuses. »

Selon elle, les solutions sont souvent précaires :

  • grands-parents mobilisés ;

  • nounous recrutées au dernier moment ;

  • ou encore parents qui fractionnent leurs congés pour assurer le minimum.

Les centres de loisirs, bien que précieux, sont fréquemment surchargés, avec des taux d’encadrement faibles et des activités peu adaptées aux besoins réels des enfants.

À cette complexité logistique s’ajoute une pression sociale croissante, portée par une image idéalisée de la parentalité.

« En France, on parle souvent du syndrome du wonderparent », explique Stéphanie d’Esclaibes.

Il répond à cette injonction à tout faire parfaitement : continuer à travailler, gérer la maison, organiser des vacances enrichissantes… et le tout sans se plaindre.

Cette pression invisible pèse directement sur la charge mentale des parents, souvent en quête d’un équilibre impossible entre performance professionnelle, bienveillance éducative et gestion quotidienne.

Plutôt que de céder à l’épuisement ou à la culpabilité, et si on repensait les vacances comme un moment-clé pour l’enfant, centré non sur l’occupation, mais sur l’épanouissement personnel et le développement des compétences humaines ?

Les vacances : un moment propice au développement de l’enfant

Pourquoi les vacances sont idéales pour apprendre autrement

Si les vacances scolaires sont souvent pensées comme un « temps mort » dans l’année scolaire, elles représentent en réalité une formidable opportunité d’apprentissage. Loin des contraintes académiques et des rythmes imposés, les enfants disposent alors d’une plus grande disponibilité mentale : plus de devoirs, plus d’horaires fixes, plus de pression liée à la performance.

« Pendant les vacances, les enfants sont beaucoup plus réceptifs », explique Alice Nouvel Iruela. « Ils sont plus disponibles, et leur curiosité naturelle se réveille davantage. »

C’est aussi l’occasion de sortir du cadre scolaire pour explorer le monde différemment : à travers le jeu, l’art, la nature, les activités sportives ou les rencontres, les enfants développent des compétences qu’aucun manuel ne peut enseigner.

Et ce qui peut rendre ce moment particulièrement fécond, c’est la possibilité pour l’enfant de vivre des expériences en dehors du cadre familial habituel.

« Je pense que les compétences psychosociales sont plus importantes et encore mieux développées quand l’enfant n’est pas avec ses parents », souligne Solenne Bocquillon-Le Goaziou. « Parce que quand on est avec ses parents, on est dans une zone de confort. Et les parents connaissent les enfants et vont avoir tendance à peut-être les réfréner sur leur exploration »

En dehors de ce cocon, l’enfant ose davantage, tente, découvre, et apprend.

Qu’il s’agisse d’une randonnée improvisée, d’une rencontre sur la plage ou d’un repas chez les grands-parents, chaque expérience devient le terreau d’un apprentissage informel, mais fondamental.

Les compétences psychosociales à l’honneur pendant l’été

Ces apprentissages de la vie quotidienne correspondent à ce qu’on appelle les compétences psychosociales ou soft skills. Selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé, elles se répartissent en trois grandes catégories :

  • Les compétences cognitives : comme la confiance en soi, la pensée critique, la prise de décision ;

  • Les compétences émotionnelles : comme la gestion du stress, la régulation des émotions, la résilience ;

  • Les compétences relationnelles : comme la coopération, la communication, la résolution de conflits.

« Ce sont des compétences de vie,  qui nous apprennent à affronter tous les défis du quotidien », rappelle Solenne Bocquillon-Le Goaziou. « On a que des bénéfices comme le prouvent les recherches menées ces vingt dernières années. Ces compétences psychosociales améliorent :

la réussite scolaire et professionnelle ; la santé mentale ;l'insertion professionnelle ; quand on arrive en entreprise, on ne nous demande pas de tout connaître par coeur. On nous demande d'avoir des idées, de savoir collaborer... Elles améliorent la réussite scolaire, la santé mentale et l’insertion professionnelle. »

Les enfants qui développent tôt ces compétences sont donc non seulement plus épanouis, mais également mieux armés pour réussir à l’école comme dans la vie adulte.

Les vacances deviennent alors un terrain privilégié pour cultiver ces habiletés humaines, notamment à travers des activités collectives, artistiques ou sportives, mais aussi dans des environnements nouveaux, où l’enfant peut expérimenter, oser, se tromper… et recommencer.

Quels types d’activités privilégier pendant les vacances scolaires ?

Les stages multi-activités : apprendre par l’expérience

Parmi les solutions qui allient organisation pratique et richesse éducative, les stages multi-activités représentent une option particulièrement intéressante. À la croisée entre loisirs, découverte et développement personnel, ils offrent aux enfants des expériences concrètes et variées.

C’est ce que propose Bloomdayz, dirigé par Alice Nouvel Iruela, avec des stages accessibles dès 3 ans et implantés à Paris, Toulouse, Lyon et Bordeaux. Leur particularité ? Miser sur l’expérience vécue pour permettre à chaque enfant de se découvrir, de prendre confiance en lui et de renforcer ses compétences psychosociales, sans pression.

« Par exemple, pour les plus de six ans, on a l’escalade, qui est vraiment une discipline lébiscitée. Les enfants adorent. Au sein des stages d’escalade, on voit vraiment émerger des compétences incroyables. Un enfant qui hésite, qui a peur, qui observe les autres, écoute les encouragements des autres. Il est porté par le groupe et puis il va se lancer à son tour. Il apprend à gérer sa peur, à se faire confiance, à persévérer.

Et de l’autre côté, on a son copain ou sa copine qui l’assure en bas, à la corde. Et donc, cette personne-là est très importante. Et apprend aussi énormément parce qu’il apprend à prendre soin de l’autre, à rester concentré et à responsabiliser ses gestes. Et ça, c’est des situations ultra concrètes où la confiance en soi, l’entraide et la régulation émotionnelle se vivent dans le corps et pas dans les mots, en fait. »

Chez les plus petits, Bloomdayz propose un format tout aussi riche, basé sur la découverte d’une nouvelle activité chaque jour : cirque, peinture, yoga, natation… Pour les enfants de 3 à 5 ans, ces premières fois stimulent la curiosité, la souplesse émotionnelle, la capacité à s’adapter. Un enfant timide peut se révéler dans un atelier d’expression corporelle, un autre apprendra à dire non ou à formuler une demande.

Chez Bloomdays, le tout se déroule dans un cadre bienveillant et rigoureux, avec un encadrement renforcé (1 adulte pour 5 à 6 enfants) et des intervenants choisis autant pour leur compétence que pour leur posture éducative.

« On est très strict sur le planning sur le taux d’encadrement, ça nous permet de maximiser l’épanouissement des enfants. Moi je suis convaincue que c’est avec un bon cadre, que justement l’enfant va pouvoir être acteur de son stage et va pouvoir s’épanouir en explorant et en découvrant les activités qu’on lui propose », renchérit Alice Nouvel Iruela.

« La liberté vient du cadre, disait Maria Montessori, alors qu'on a souvent tendance à penser que des êtres libres sont des êtres sans cadre et sans règles », explique Stéphanie d'Esclaibes.

Et à la maison ? Des idées concrètes à tester en famille

Si l’inscription à un stage n’est pas possible ou ne couvre qu’une partie des vacances, il reste tout à fait possible de favoriser le développement des compétences psychosociales à la maison. À condition de ne pas chercher la performance, mais le plaisir et la régularité.

« Tout dépend de la compétence qu’on veut développer », explique Solenne Bocquillon-Le Goaziou. « Si c’est l’esprit critique, on peut lire un livre ensemble et en discuter, ou écouter un podcast historique comme Quelle Histoire puis en débattre. Si c’est la créativité, on peut fabriquer des objets avec des coquillages ramassés sur la plage.  »

Autres idées simples et efficaces :

  • faire une liste avec son enfant de tout ce qu’il a appris depuis sa naissance (marche, langage, vélo, etc.) pour renforcer la confiance en soi ;

  • créer des défis de persévérance : faire une randonnée progressive, cuisiner ensemble une recette un peu difficile, construire quelque chose ;

  • organiser des jeux d’observation ou des temps calmes pour se recentrer, se poser.

Faut-il laisser les enfants s’ennuyer pendant les vacances ?

C’est un débat récurrent chez les parents : faut-il laisser les enfants s’ennuyer pendant les vacances ou organiser leurs journées pour éviter l’inactivité ? Cette question divise, y compris parmi les spécialistes. Pourtant, loin d’être une perte de temps, l’ennui peut être un vecteur puissant de créativité et d’autonomie.

« Moi, j’adore faire un petit exercice d’ennui », confie Solenne Bocquillon-Le Goaziou. « On regarde les nuages, on essaie d’y deviner des formes. C’est un moment simple, mais qui stimule l’imaginaire. »
« Il faut juste garder en tête que tous les enfants ne vivent pas l’ennui de la même façon. Il y en a qui ont besoin de bouger tout le temps, d’autres qui savent rester dans le calme. »

L’enjeu est donc de trouver le bon équilibre entre temps libre et activités organisées, sans tomber dans l’une ou l’autre extrême. Un emploi du temps surchargé risque de fatiguer les enfants, tandis qu’un vide total peut générer anxiété ou agitation.

« En tant que maman, je pense que c’est vraiment important de laisser les enfants s’ennuyer parce que c’est là qu’ils développent leur créativité. Par contre, on répond aussi à une demande des parents », explique Alice Nouvel Iruela. « Beaucoup veulent un planning bien rempli, rythmé, avec des activités variées. Mais on tient aussi à préserver des temps calmes dans nos stages, ce qui surprend parfois. »

Pour trouver le juste équilibre, celui qui sera bon pour l'enfant, il faut être à son écoute, adopter une posture d’observation. Plutôt que d’imposer un rythme, les parents peuvent s’appuyer sur ce qu’ils perçoivent chez leurs enfants : leurs envies, leurs capacités à s’occuper seuls, leurs besoins du moment.

« La première compétence du parent, c’est l’observation. Observez vos enfants et regardez ce qu’ils sont capables de faire », insiste Solenne. 

Finalement, l’ennui ne doit pas être redouté, mais intégré comme un temps de respiration, un espace mental où peut émerger l’envie, l’imaginaire, et parfois même… la passion.

Chaque enfant est différent. Certains ont besoin de calme, d’autres d’action. Certains s’épanouissent dans le bricolage, d’autres dans les mots. Ce qui compte, c’est de respecter leur rythme et leurs goûts.

En d’autres termes : inutile de chercher la perfection ou un programme « idéal ». L’objectif est d’offrir à l’enfant un environnement propice à la découverte de soi, où il peut tester, explorer, se tromper… et recommencer.

Comment organiser les vacances scolaires de ses enfants et renforcer leurs compétences psychosociales

©Yuliantopoitier

Et si les entreprises avaient un rôle à jouer dans cette organisation ?

Face au déséquilibre structurel entre le calendrier scolaire et les congés parentaux, il devient évident que la charge ne peut plus reposer uniquement sur les épaules des familles. Pour répondre à cette réalité, certaines entreprises commencent à s’emparer du sujet. Mais le mouvement reste encore trop timide, selon les invitées de l’épisode.

« Côté enfants, l’idéal serait un modèle où ils disposent d’espace pour explorer, se connecter à eux-mêmes et aux autres. Ce serait un modèle où les vacances sont vues et vécues, non pas comme une pause entre deux trimestres, mais véritablement comme un temps d'éveil à soi et au monde et loin des écrans », explique Alice Nouvel Iruela.
« Côté parents, ça va être un modèle où la parentalité n'est pas un obstacle à l'épanouissement personnel et professionnel des parents aussi. Certaines entreprises mettent la parentalité au cœur de ce qu'on appelle une politique familiale. Ainsi, parmi nos partenariats, pour le CSE d'Airbus, par exemple, on récupère le matin les enfants au pied des bureaux et on les ramène. C'est un bénéfice énorme pour les parents (et pour l'entreprise), un gain de temps, de sérénité et d’organisation. »

Malheureusement, ce type d’initiative reste encore l’exception.

« Beaucoup de CSE, même dans des grandes entreprises du CAC 40, nous répondent que leur rôle se limite à offrir un coffret garni à Noël », regrette Alice.

Pourtant, les enjeux sont réels, tant du côté des familles que des employeurs. Mettre la parentalité au cœur des politiques de ressources humaines ne relève plus de la simple « qualité de vie au travail », mais bien d’un levier stratégique de fidélisation.

« Aujourd’hui, le fait que l’entreprise ne prenne pas en compte la parentalité figure dans le top 5 des raisons de départ pour un salarié qui a des enfants », rappelle Solenne Bocquillon-Le Goaziou. « Alors que pour un salarié sans enfant, ce facteur arrive en 18e position. »

Solenne, qui participe aux travaux de l’ONG VersLeHaut sur les politiques éducatives, rappelle qu’au XIXe siècle, les entreprises construisaient des écoles, des bibliothèques, des clubs sportifs. Puis, avec l’essor du travail des femmes, la tendance a été de séparer vie pro et vie perso.

« Je ne crois pas à cette séparation stricte. On n’a qu’une seule vie. Et pour aider les salariés à s’épanouir durablement, il faut repenser l’organisation autour de leur réalité familiale. »

Au-delà des crèches ou des arbres de Noël, il est donc temps d’imaginer de véritables politiques familiales d’entreprise : soutien logistique pendant les vacances scolaires, aides financières pour les stages, temps de travail adaptés…

Et si accompagner les parents dans l’organisation des vacances scolaires de leurs enfants devenait enfin un marqueur fort de l’engagement social des entreprises ?

Parmi les autres travaux du think tank VersLeHaut, signalons l'étude sur le développement de la petite enfance, abordée avec son auteur, Stephan Lipiansky et celle sur les relations entre sport et éducation, évoquées avec Guillaume Prévost dans l'épisode 190 du podcast Les Adultes de demain sur changer l'éducation grâce au sport.

Vers un modèle idéal de vacances pour les enfants d’aujourd’hui

Pour les invitées de cet épisode, un modèle idéal de vacances serait avant tout un moment de croissance intérieure, d’exploration et de lien. Cette capacité d’émerveillement, si forte chez les enfants, tend malheureusement à s’émousser avec l’âge, comme l'explique André Stern dans l'épisode sur l'enthousiasme chez l'enfant.

« L'enfant naît petit chercheur. Il est naturellement curieux. Les adultes perdent cette curiosité en grandissant. C’est dommage. Nos stages viennent en fait réveiller et satisfaire cette curiosité, qu’ont les enfants », rappelle Alice Nouvel Iruela.

Cette richesse naturelle que sont la curiosité et l'enthousiasme, les vacances peuvent les entretenir, les développer, les renforcer. Loin d’un format passif ou standardisé, les vacances devraient leur permettre de s’éveiller au monde.

Ce modèle repose sur trois piliers éducatifs :

  • l’autonomie, encouragée par des environnements bienveillants et sécurisants ; 

  • la curiosité, stimulée par la diversité des activités et la liberté d’essayer ; 

  • le lien social, nourri par la vie en groupe, l’entraide et les interactions intergénérationnelles.

Pour Solenne Bocquillon-Le Goaziou, les vacances idéales sont avant tout celles qui laissent une trace durable.

« Ce que j’espère, c’est qu’ils aient découvert quelque chose de nouveau. Qu’ils aient grandi. Vous savez, cette phrase qu’on dit souvent à la rentrée : ils ont tellement changé en deux mois. Eh bien, c’est ça, une belle réussite. »

Penser les vacances comme un temps d’apprentissage global, c’est changer de regard. Ce n’est plus seulement une contrainte à gérer, mais une opportunité à saisir — pour les enfants, pour les familles, et peut-être même, pour la société toute entière. Prêt·e à organiser les vacances scolaires de vos enfants ?

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