Comment savoir si l’on veut vraiment un enfant, avec Mathilde Bouychou #171

Désirer un enfant n’est pas une évidence pour tout le monde. Mais comment savoir si on veut un enfant, réellement et pas seulement parce que c’est dans l’ordre des choses ? Certaines femmes, certains hommes expriment leur souhait de ne pas devenir mère ou père, pour diverses raisons. Mais tout parent en devenir ne réfléchit pas forcément à cette idée de vouloir ou non un enfant. Malthilde Bouychou, psychologue clinicienne, spécialisée en périnatalité, autrice d’un livre sur le désir d’enfant, est aussi hôte du podcast Parentalité-s. Elle apporte des éléments de réponse sur ce qui nourrit ce désir, les peurs qu’il soulève. Elle partage quelques pistes pour accompagner au mieux cette période de potentielle grande transformation.

La notion de désir d'enfant

Contexte historique et émergence du désir d'enfant

Avant les années 60-70, la question du désir d'enfant n'existait pas de la manière dont elle est posée aujourd'hui. C'est le développement de la contraception et de l'IVG qui a donné aux femmes la possibilité de décider d'avoir ou non des enfants. C'est alors qu'a pu émerger cette notion de désir d'enfant. C'est donc un concept relativement récent. 

Changements sociétaux et non-désir d'enfant

Pouvoir choisir, c'est aussi avoir la possibilité de renoncer. C'est ainsi que le choix de ne pas avoir d'enfant est revendiqué par un nombre croissant de femmes aujourd'hui.

Ce non-désir existait sans doute avant. La différence, c'est que davantage de femmes expriment ce choix, contrairement à certaines époques où cela ne se disait pas.

Par ailleurs, la pandémie de Covid-19 et d'autres événements mondiaux, politiques, économiques, écologiques, sont considérés comme des facteurs qui peuvent influencer le désir d'avoir des enfants.

Des préoccupations liées aux conditions futures du monde, telles que le changement climatique, les conflits et l'incertitude générale, peuvent générer des angoisses qui impactent, au-delà du désir d'enfant, le projet d'en avoir.

Soulignons toutefois que ces femmes qui disent tout haut ne pas vouloir d'enfant sont encore très critiquées et taxées d'égoïsme. Autant de remarques qui ne seront jamais faites à un homme qui n'a pas d'enfants. La société doit encore faire évoluer son regard sur ces personnes, les accueillir avec plus de bienveillance. Pour Mathilde Bouychou, on est encore dans une société très patriarcale. C'est à la société d'évoluer et pas aux femmes de se justifier par rapport à leurs choix personnels et intimes qui ne regardent qu'elles.

Évolution de la natalité et facteurs influents

Ce non-désir d'enfant fait partie des facteurs qui influencent une natalité en baisse depuis cinq ans. En 2022, le taux de natalité n'a jamais été aussi bas que depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

Les causes à l'origine d'un tel constat sont multiples. On peut noter :

  • l'évolution du rôle de la femme dans la société (elle travaille, fait des études de plus en plus longues) ;

  • l'accès aux soins ;

  • l'accès à la contraception ;

  • le recul de l'âge moyen pour devenir mère : en 2022, il est aux alentours de 31 ans.

Grâce aux progrès scientifiques, il est effectivement possible d'être mère de plus en plus tardivement. Néanmoins, les chances de tomber enceinte diminuent avec l'âge et cela a, de fait, un impact sur le nombre de naissances. 

Comment savoir si on veut un enfant ? 

On peut distinguer différents profils de futurs parents.

Ceux qui ont toujours voulu avoir des enfants

Dans cette catégorie, on peut différencier les adultes qui ont toujours rêvé d'avoir des enfants de ceux pour qui cela relève d'un élan vital.

Pour les premiers, leur désir est profondément ancré, parfois depuis leur enfance.

Pour d'autres, avoir des enfants est lié à cette nécessité de laisser une trace, d'assurer une continuité de la vie et ainsi conjurer des angoisses de mort. Pour ces femmes, il y a cette idée que porter la vie, c'est se sentir vivant. 

Certaines femmes expriment aussi un appel du ventre , quelque chose qui se joue dans la chair : « Je le sens dans mes entrailles, ce ventre vide. Je sens que j'ai envie de porter un enfant ».

Et puis il y a ce désir irrationnel, mystérieux, qui ne s'explique guère. Celui-là même qui amène certaines personnes à déplacer des montagnes pour avoir un enfant. De temps en temps, le désir de maternité pourra d'ailleurs être tellement fort que le projet d'avoir un enfant passera avant celui d'être en couple et de trouver le bon partenaire. 

Découvrez l’avis de Jean Birnbaum sur la question du désir d’enfant :
le désir de se perpétuer est une fausse croyance
tant le contact avec un bébé bouleverse toute certitude.
Il explique en quoi les enfants changent le monde.

Ceux qui hésitent, se questionnent

Ces futurs parents (ou pas) se posent la question de savoir s'ils veulent ou non des enfants. Des peurs, des freins, des doutes s'expriment dès qu'ils envisagent la question de devenir parent. 

  • Peur de reproduire des expériences douloureuses : Certains adultes ont peur de devenir des parents maltraitants s'ils ont vécu eux-mêmes des violences intrafamiliales dans leur enfance. La crainte de reproduire des schémas de souffrance peut être préoccupante. Parfois, ces peurs vont concerner le projet de naissance d'un autre enfant, notamment quand la maman a vécu un premier accouchement traumatique ou a traversé une dépression post-partum.

  • Impact des traumatismes sur le désir d'enfant : Les personnes ayant vécu des traumatismes, y compris des violences sexuelles, peuvent ressentir des peurs liées à la sexualité et à la fertilité. Ces expériences peuvent influencer leur perception de la parentalité.

  • Peur liée à l'écoanxiété : ces angoisses, liées aux préoccupations écologiques et aux défis environnementaux, peuvent freiner le désir d'enfant. Les futurs parents peuvent craindre l'impact écologique d'avoir des enfants. Cependant, des actions écologiques peuvent atténuer ces craintes et les aider à les dépasser.

  • Peur de l'avenir et de l'éducation des enfants : Certains adultes hésitent à devenir parents en raison de la peur d'élever des enfants sains d'esprit et correctement armés pour affronter les défis futurs de la vie. Cette angoisse est liée à l'incertitude quant à l'évolution du monde.

Mathilde Bouychou met en garde contre cette attente que pourraient avoir certains adultes d'attendre le déclic du désir d'enfant. Derrière le mot déclic se cache l'idée de magie. Or la vie est rarement perçue de manière magique. 

💡 Découvrez l’épisode avec Laelia Benoit sur la parentalité choisie.

Ceux qui répondent à une pression inconsciente de la société

Mathilde Bouychou compare les moteurs du désir d'enfant à un millefeuille et ses différentes couches. 

Certains adultes ont des enfants parce que c'est dans l'ordre des choses, qu'il faut faire comme tout le monde. Ils répondent à une sorte d'injonction ayant :

  • une dimension sociale et répondant à la pression et aux attentes de la société ;

  • une dimension de transmission : avant on transmettait un patrimoine, aujourd'hui, il s'agit aussi de transmission de valeurs, parfois pour inverser des expériences difficiles reçues dans l'enfance ;

  • une dimension personnelle et familiale, liée à son propre passé ;

  • une dimension religieuse ou de devoir, qui s'appuie sur l'idée que le rôle de la femme est d'avoir des enfants.

Ceux qui répondent à l'amour 

Pour certains, la rencontre avec un partenaire va donner envie de concrétiser cet amour sous la forme d'un enfant, d'une famille.

Que faire quand le désir d'enfant n'est pas synchrone dans le couple ?

Parfois, les premiers pas vers le désir d'enfant sont contrariés par le timing et les divergences au sein du couple. On pense que ce sont généralement les femmes qui initient la conversation sur le désir d'enfant. Or Mathilde Bouychou souligne que cela peut aussi être l'homme qui ressent fortement le besoin d'avoir des enfants et qui introduit cette question dans la relation. Cette nuance invite à déconstruire les stéréotypes de genre et à reconnaître que le désir d'enfant peut émaner de n'importe quel partenaire.

L'émergence du désir d'enfant ne suit pas toujours un calendrier synchronisé pour les deux membres du couple. Il est fréquent qu'un partenaire aborde la question avant l'autre, créant ainsi un décalage temporel dans les aspirations familiales. Mathilde Bouychou souligne la fréquence de ce décalage et met en lumière une réalité souvent négligée dans les discussions sur la parentalité.

La question est de savoir si cela va devenir source de conflit, de tension au sein du couple ou si celui-civa réussir à co-construire. 

Le travail de co-construction du désir d'enfant

Dans un couple, il y a le désir individuel de chaque partenaire, d'avoir ou non un enfant. Quand ces désirs se rencontrent, ils en créent un nouveau qui est celui du couple. 

La co-construction du désir d'enfant au sein du couple implique un travail de la part de chacun des membres. Cela signifie comprendre comment les désirs individuels de chaque partenaire peuvent se fusionner pour créer un nouveau désir partagé d'avoir un enfant.

Quand l'envie d'un enfant n'est pas synchrone, ce processus de co-construction peut mettre le couple à l'épreuve. La qualité de la communication, le respect mutuel et la capacité à gérer les angoisses individuelles sont des facteurs qui faciliteront la construction d'un désir de couple et non plus individuel. Certains couples peuvent trouver cette étape plus facile que d'autres.

Mathile Bouychou encourage chaque partenaire à explorer individuellement ses motivations derrière cette envie ou non d'enfant et de s'en ouvrir à l'autre. Cela nécessite une communication ouverte et bienveillante, qui accueille la parole de l'autre sans jugement, avec empathie. 

La distinction entre désir et projet

Mathilde Bouychou invite également à distinguer le simple désir d'avoir des enfants et le projet concret de les avoir. Certains individus peuvent ressentir le désir d'enfant sans nécessairement avoir l'intention immédiate de le concrétiser. La temporalité et la concrétisation dépendent de divers facteurs. Pour certains, ce n'est pas le moment car les conditions d'accueil de l'enfant ne sont pas réunies, matériellement et/ou financièrement, par exemple.

Dans certains cas, le désir d'avoir des enfants peut évoluer en un projet si important pour l'un des partenaires qu'il influence la dynamique de la relation de couple. Parfois, cela peut conduire à des évolutions comme la séparation.

Mathilde Bouychou souligne qu'on peut également avoir un désir d'enfant toute sa vie, sans que cela ne devienne un projet et être totalement confortable avec ce sentiment. Ainsi, chez les grands-parents, l'investissement dans leur rôle peut être perçu comme une manifestation active de leur désir d'enfant.

C'est d'ailleurs pourquoi, pour les personnes dont le parcours de PMA reste infructueux et qui parlent de faire le deuil du désir d'enfant, elle préfère distinguer le désir et le projet. Le premier peut rester, le deuxième peut évoluer pour conduire peut-être vers une adoption. Enfin, d'autres peuvent vivre avec ce désir sans qu'il ne soit concrétisé et sans pour autant être en souffrance. Il est possible d'apprendre à vivre avec ce désir d'enfant même s'il n'y a pas d'aboutissement tangible, quelles qu'en soient les raisons.

Si cette question de savoir si on veut un enfant est au cœur de vos préoccupations, n'hésitez pas à écouter l'intégralité de l'épisode ci-dessous, bien plus riche et nuancé que cet article. Et nourrissez-vous des paroles de Mathilde Bouychou qui a à cœur d'aider les parents à être acteurs de leur parentalité, pour qu'ils aident ,à leur tour, leur enfant à être acteur de leur vie.

Référence : 

Désir d’enfant, 15 histoires pour questionner et mieux vivre son rapport à la parentalité, Mathilde Bouychou, Solar éditions, 2022

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