Parentalité choisie vs parentalité subie, avec Laelia Benoit #170 - Partie 2

Découvrez les méandres de la parentalité entre choix et contraintes sociales, avec Laelia Benoit, pédopsychiatre. Explorez les idées préconçues, défiez les normes culturelles, et plongez au cœur des pressions qui entourent la parentalité. À travers cette analyse, remettez en question vos perceptions et inspirez-vous des alternatives novatrices à la parentalité traditionnelle.

Peut-on réellement parler de parentalité choisie ?

Qu’appelle-t-on la parentalité choisie ?

La parentalité choisie, c’est celle décidée consciemment par des adultes. C’est celle qui se fait avec une compréhension profonde des responsabilités et de l’engagement qu’implique le fait de devenir mère ou père. C’est la liberté de décider du nombre d’enfants que l’on souhaite avoir… ou le fait de ne pas vouloir d’enfant.

Pourquoi cette impression que la parentalité est majoritairement subie ?

En consultation, Laelia Benoit rencontre beaucoup de parents qui le sont devenus sans s’être vraiment posé la question de ce que c’était et de ce que cela impliquait. Ils ont des enfants parce que c’est dans l’ordre des choses, dans la norme sociale. On peut avoir cette impression que les personnes ont été conditionnées pour le faire. Elles agissent un peu en automatique. Laelia Benoit souligne que pour beaucoup, l'âge avance et la parentalité s’impose telle une étape indispensable. On devient alors parent sans réellement se poser de questions profondes sur cette décision. Les motivations individuelles n’émergent même pas. C’est en ça que la parentalité est majoritairement subie. 

Quels sont les préjugés autour de la parentalité choisie ?

Qu’est-ce qui peut expliquer cette absence de remise en question chez un grand nombre d’adultes qui deviennent parents ?  La pression sociale et la norme culturelle jouent un rôle majeur dans ce processus. Elles perpétuent l'idée que devenir parent est une étape incontournable de la vie.

Par ailleurs, il est difficile d’exposer ses choix sans affronter une flopée de préjugés. En effet, plusieurs idées préconçues entourent la parentalité choisie. Les personnes qui osent exprimer une voix différente sur le fait de devenir parent doivent faire face à la pression sociale et aux stéréotypes qui persistent dans la société contemporaine :

  • Le fait de ne pas avoir d'enfants par choix, de ne pas en vouloir donc, est perçu comme anormal. C’est souvent associé à des problèmes de bien-être mental ou à de l'égoïsme. Les individus peuvent être jugés selon des normes culturelles qui prônent la croissance de la population.

  • Le choix d’élever un enfant unique est fréquemment associé à l’idée que cet enfant est malheureux ou gâté. La pression sociale conduit parfois les parents à avoir plus d'enfants que désiré pour éviter ces jugements. Quels parents d’un premier enfant n’ont pas entendu quelques mois après sa naissance : « et le deuxième, c’est pour quand ? ». C’est méconnaître les autres formes de relations qui existent pour l’enfant unique : voisinage, amis, coparentalité. Un enfant unique dans sa famille n’est pas forcément un être isolé, désocialisé et gâté par ses parents. 

D’où viennent ces pressions sur la parentalité ?

Les influences culturelles, religieuses, historiques

Les pressions sur la parentalité, incitant souvent à avoir plus d'enfants, trouvent leurs origines dans des attentes profondément enracinées dans divers aspects culturels, historiques et religieux.

Comme l’explique Laelia Benoit, nous venons d’une société judéo-chrétienne avec une culture très forte concernant la reproduction. Cette dernière s’apparente à un devoir moral. L’accroissement de la famille, de la population tient de la norme sociale. Ces normes peuvent être particulièrement contraignantes dans certaines communautés. 

Ces influences culturelles et religieuses impactent encore énormément nos comportements. Il y a cette idée que l’abondance, c’est d’être plus nombreux à la génération suivante qu’à la précédente. L’héritage historique influence également. Il contribue à cette perception que la taille de la famille est liée à la prospérité et à la perpétuation des lignées familiales. Des schémas établis au fil des générations peuvent exercer une pression implicite sur les individus.

C’est ce type de pensée qui peut amener certains à critiquer le choix des personnes qui ne veulent pas d’enfant ou n’en ont qu’un seul. Ils estiment que ce sont des adultes égoïstes. Mais envers qui ? La société ? Qui est lésé ? Pourquoi faudrait-il absolument faire des enfants ? Pour payer les retraites de la génération suivante ? Vu l’urgence climatique, on est en droit de se demander si la planète a réellement besoin d’enfants supplémentaires.

Des pressions inadaptées à la réalité du monde contemporain

Si le monde change, les mentalités ne semblent pas évoluer au même rythme. Cette idée d’accroître les familles et la population n'est pas du tout adaptée :

  • ni aux réalités de notre planète, en général ;

  • ni forcément aux envies et aux besoins de parents qui, aujourd’hui, font d'autres choses que d'être uniquement parents.

Les femmes travaillent. Et pour mener une éducation plus bienveillante pour les enfants , il est nécessaire de s’investir, de s'engager dans son rôle de père, de mère. Ce qui devient plus difficile si on a beaucoup d’enfants. Par ailleurs, par le passé, la mortalité infantile importante poussait à avoir de nombreux enfants en raison des décès précoces. Ce n’est plus le cas. Malgré tout, les familles, les parents, les jeunes adultes continuent d’être pressurisés pour avoir des enfants et si possible, plusieurs. 

D’ailleurs, pour Laelia Benoit, ce phénomène contribue à un certain nombre de malheurs, qui ne sont pour autant pas ou peu corrélés. 

Comment favoriser la parentalité choisie ?

Mener une sensibilisation précoce à la réalité de la parentalité est une des pistes possibles pour faire évoluer les mentalités sur le sujet. Fournir aux individus les connaissances nécessaires pour  :

  • prendre des décisions éclairées sur la parentalité ;

  • encourager une réflexion approfondie avant d'entreprendre ce rôle crucial ;

  • et promouvoir une parentalité plus consciente et choisie ;

permettrait à chacun de prendre le temps de réfléchir à ce sujet qui engage des vies et l’avenir.  

Cela permettrait aux personnes qui font le choix de ne pas avoir d’enfant ou de n’en avoir qu’un pour des raisons :

  • déjà personnelles ;

  • qui touchent à leur choix de vie ;

  • à leurs envies et besoins personnels ;

  • à leur engagement pour la cause climatique par exemple ;

de pouvoir s’exprimer sans être taxées d’égocentrisme. 

Quel rôle joue l’amour inconditionnel dans cette parentalité choisie ?

Comment l’amour inconditionnel influence la parentalité ?


Pour Laelia Benoit, l'amour inconditionnel joue un rôle déterminant dans la parentalité choisie. L'amour inconditionnel, exprimé sans attentes ni conditions, crée un environnement émotionnellement stable et sécurisé pour l'enfant. Cependant, peu l’ont vécu. Il est donc difficile d’imaginer ce qu’il est vraiment. « Quand on n’a pas vécu d’amour inconditionnel, on est bien en difficulté pour se le donner à soi-même et aux autres », explique Laelia. Ce manque peut influencer la manière dont les parents abordent et expriment l'amour envers leurs propres enfants.

Mais il n’est jamais trop tard pour apprendre à s’accepter entièrement, être à l’aise avec soi-même, travailler sur soi pour offrir cet amour sans réserve. Il est préférable d’avoir vécu cette étape-là avant de se lancer dans la parentalité : être un adulte épanoui, qui se sent bien dans sa vie professionnelle, personnelle, familiale, avant d’accueillir un enfant. 

Malheureusement, c’est plutôt le contraire qui se produit. Beaucoup de personnes se disent : avoir un enfant, c’est ce qui me manquait, c’était la pièce manquante du puzzle. En ayant des enfants, je coche la case. 

Pourquoi prendre soin de soi avant de devenir parent ?

Pourtant, pour Laelia Benoit, si on prenait le temps de prendre soin de soi avant d’être parent, on porterait un regard très différent sur nos enfants. « Et puis, peut-être qu'on n'en ferait pas autant, parce qu'on se rendrait compte qu'en fait, l'important, c'est de s'occuper de ceux qui sont là, et puis d'aller bien soi-même », renchérit-elle.

 Pour l’avenir, elle souhaite aux futurs adultes de demain :

  • d’être considérés comme des personnes et de pouvoir ressentir cet amour inconditionnel à la fois de la part de leurs parents, mais aussi d’autres adultes, afin qu’ils sachent que c’est un merveilleux bonheur d’être sur Terre ;

  • d’être autorisés à grandir et à se développer dans un domaine qui les épanouit et qui a du sens pour eux : Laelia Benoit sent qu’il y a toute une génération qui a envie de contribuer à lutter contre le changement climatique, d’améliorer les choses, d’apprendre des métiers pour avoir un impact sur le développement durable et une planète vivable ;

  • d’être soutenus dans cet élan, dans cette énergie et de ne pas être enfermés dans des normes et des attentes très arbitraires ;

  • de connaître cette qualité relationnelle qui fait qu’on croit en l’humain et qu’on se dit qu’avec de la générosité, de l’amour, de l’attention, du respect, on y arrivera, tous ensemble.

Référence : 

Infantisme, Laelia Benoit, Seuil, 2023

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