Le jour où les enfants s’en vont, avec Béatrice Copper-Royer #172
Pourquoi le jour où les enfants s'en vont est-il tant redouté ? Béatrice Copper-Royer, psychologue clinicienne spécialisée dans l'enfance et l'adolescence et présidente de l'association e-Enfance, nous décrit le syndrome du nid vide. Autrice du livre Le jour où les enfants s'en vont, elle nous explique, comment comprendre et vivre ce moment, sans faire culpabiliser nos enfants.
Comprendre le Syndrome du Nid Vide
Définition et explication du syndrome du nid vide
Le syndrome du nid vide se définit comme un mélange complexe d'émotions ressenties par les parents lorsque leurs enfants quittent le domicile familial. Comme décrit par Béatrice Copper Royer, il s'agit d'une prise de conscience aiguë que la vie ne sera plus jamais la même. Cette conscientisation est marquée par un sentiment de vide et une nécessité de réinventer un espace psychique et physique précédemment occupé par les enfants.
Les émotions complexes des parents lors du départ des enfants
Lorsque les enfants s’en vont définitivement de la maison, les parents sont confrontés à la réalité d'un nouveau chapitre qui s'ouvre. Ce dernier est marqué par des ajustements émotionnels et des transformations dans la dynamique familiale.
La peur de l'inconnu et la nostalgie de la période où les enfants étaient à la maison sont des éléments émotionnels qui contribuent à cette appréhension.
Cette période est souvent accompagnée d'un sentiment désagréable d'espace vide à remplir, symbolisant la fin d'une ère de préoccupation constante pour le bien-être et la sécurité des enfants. Les parents peuvent ressentir une profonde tristesse, un sentiment de perte, mais aussi parfois de soulagement ou de libération, marquant une transition complexe et émotionnellement chargée.
La transition de la vie avec des enfants à une nouvelle dynamique familiale
Le départ des enfants du foyer familial conduit à une redéfinition du rôle des parents et de leur identité. Comme le souligne Béatrice Copper Royer, les parents doivent :
trouver de nouveaux repères ;
réorganiser leur temps et leur espace ;
apprendre à communiquer différemment avec leurs enfants devenus adultes.
Cette transition peut être l'occasion de développer de nouveaux intérêts personnels et sociaux, ainsi que de redécouvrir et de renforcer le couple. Elle peut aussi signer la fin de ce dernier, lorsqu'elle met en exergue la distance qui s'est installée.
Causes et facteurs contributifs du syndrome du nid vide
L'attachement émotionnel et la crainte du vieillissement
Le syndrome du nid vide est fréquemment exacerbé par un fort attachement émotionnel entre les parents et les enfants. Béatrice Copper Royer souligne que ce détachement représente non seulement la séparation d'avec les enfants, mais aussi une confrontation avec le vieillissement personnel et les changements de vie qui l'accompagnent. Cette période marque une réflexion sur le propre parcours de vie des parents et leur avenir.
Les rôles de genre et leur impact sur ce nouveau chapitre de vie
Historiquement, les mères peuvent ressentir plus intensément le syndrome du nid vide, car elles ont souvent été les principales pourvoyeuses de soins. Cependant, avec l'évolution des rôles familiaux, les pères peuvent également éprouver ces sentiments de manière profonde. L'impact émotionnel peut varier selon la dynamique familiale et la répartition des responsabilités parentales.
Les situations familiales spécifiques
Certaines configurations familiales peuvent augmenter la vulnérabilité au syndrome du nid vide. Par exemple, les parents célibataires ou ceux qui ont consacré une grande partie de leur identité à l'éducation de leurs enfants peuvent ressentir un vide plus prononcé. De plus, les familles confrontées à des crises conjugales ou des difficultés professionnelles au moment du départ des enfants peuvent trouver cette transition particulièrement difficile. Béatrice Copper Royer note que ces facteurs combinés peuvent intensifier les sentiments de perte et de solitude inhérents à cette étape de la vie parentale.
Stratégies de préparation et d'adaptation au syndrome du nid vide
Importance de l'anticipation et de la préparation à cette transition
Selon Béatrice Copper Royer, anticiper et se préparer à la transition vers le nid vide permet de mieux vivre la situation. Reconnaître que le départ des enfants est une étape normale et nécessaire peut aider à atténuer la crainte et le choc émotionnel. Cela permet aussi de déculpabiliser les enfants.
Béatrice Copper-Royer explique avoir eu en consultation de jeunes adultes très entravés par la difficulté de leurs parents à les lâcher. Certains derniers de famille se rendaient compte que « leur départ à eux allait sonner le glas avec la famille au quotidien et que ça laissait leurs parents tout à fait désemparés ». Ils avaient beaucoup de culpabilité à l'idée de « leur faire ce coup-là ». Or, c'est juste la vie qui suit normalement son cours et en aucun cas un sale coup.
Les parents peuvent aussi adoptés un autre point de vue et être fiers du chemin parcouru et de l'autonomie qu'ils ont su donner à leurs enfants. Ceux-ci ont réussi à prendre leur indépendance, à s'ouvrir au monde extérieur. Leur permettre de prendre leur envol est un beau cadeau à leur faire. Cette vision permet d'atténuer les émotions de tristesse qui peuvent envahir les parents.
Accepter cette phase comme une opportunité de croissance personnelle et de renouveau est aussi une façon supplémentaire d'aborder positivement ce nouveau chapitre de vie.
Pistes pour se créer de nouveaux repères et routines
Cette nouvelle phase de vie ouvre de belles perspectives en termes de temps. Il est temps de :
penser à soi en renouant avec d'anciennes passions ou en explorant de nouvelles activités pour combler le vide laissé par le départ des enfants ;
réaménager l'espace en transformant les chambres vides en espaces personnels ou pour de nouveaux hobbies ;
planifier des projets comme des voyages ou des formations, afin de redéfinir le quotidien.
Conseils pour maintenir une relation saine avec les enfants devenus adultes
Les enfants n'étant plus sous le toit, il n'est plus possible d'avoir de leurs nouvelles rien qu'en les observant. Il va falloir redéfinir la communication parents-enfants. Toutefois, c'est rarement brutal. Souvent, l'adolescence a commencé à poser quelques jalons : les enfants développent leur jardin secret. Ils ne rentrent pas tout le temps dîner, voire dormir lorsqu’ils développent leurs premières relations amoureuses. On communique de plus en plus par messages interposés.
Quand les enfants quittent définitivement la maison, il faut revoir ses habitudes. Là où on leur demandait de prévenir s'ils rentraient ou non dormir, il faut apprendre à se passer de nouvelles.
Il s'agit de mettre en place une communication équilibrée en trouvant un juste milieu entre contrôle excessif et désengagement complet. Il est nécessaire de respecter l'autonomie de nos enfants, d'encourager leur indépendance, tout en restant un soutien émotionnel accessible.
De nouveaux modes de relation se mettent en place. On se donne et on prend des nouvelles tout en respectant l'espace personnel de nos enfants et leurs engagements. On peut s'appeler régulièrement, voire mener des appels en visio. On se rend visite.
Le défi du nid vide pour la relation de couple
Selon Béatrice Copper Royer, le syndrome du nid vide présente un défi unique pour les couples. Avec le départ des enfants, les parents sont souvent confrontés à une redéfinition de leur relation. Ce moment peut révéler des distances émotionnelles ou des désaccords jusque-là masqués par la présence des enfants.
Pour revitaliser le couple et la vie sociale après le départ des enfants, les parents peuvent :
renouer avec des intérêts communs en trouvant des activités ou des hobbies à partager en couple pour renforcer le lien ;
discuter ouvertement des attentes, des sentiments et des aspirations pour l'avenir ;
élargir le cercle social, en s'engageant dans des activités sociales, des clubs, ou des groupes d'intérêts pour se créer de nouveaux réseaux de soutien.
Une potentielle nouvelle aventure à vivre en devenant grands-parents
Et puis qui sait, dans quelques mois ou années, les parents deviendront grands-parents. Ils vont alors pouvoir profiter pleinement de la compagnie de leurs petits-enfants sans les responsabilités quotidiennes de l'éducation. Ils pourront adopter une approche moins rigide, plus flexible, créative et indulgente de l'éducation. Ils pourront :
leur créer un environnement propice à leur épanouissement ;
leur offrir une écoute attentive ;
leur offrir un soutien émotionnel précieux ;
renforcer les liens familiaux.
On a fréquemment plus de temps à accorder à ses petits-enfants. Ces derniers apprécient d'avoir des adultes moins pressés, plus disponibles pour eux avec des capacités d'écoute, parfois meilleures que celles des parents.
Le syndrome du nid vide est une étape inévitable de la vie familiale, caractérisée par un mélange complexe d'émotions pour les parents et les enfants. C'est une transition marquante qui nécessite une adaptation tant sur le plan émotionnel que sur le plan des rôles familiaux. D'un côté, les parents ressentent souvent un vide à remplir et se lancent dans la redécouverte d'eux-mêmes en tant qu'individus. De l'autre, les enfants qui quittent le nid familial vivent également leur propre période de changement et d'autonomie.
💡 Découvrez l’épisode avec Sophie Galabru sur la notion de « Faire famille », qui évoque notamment cette question de l’émancipation des enfants.
Chacun ressent des émotions contradictoires qu'il lui faut accepter. Les rôles familiaux sont redéfinis. En reconnaissant que cette phase de vie est normale et nécessaire, on la vit moins douloureusement. Et on évite que les enfants se sentent coupables de suivre leur propre chemin.
Si vraiment la situation engendre des symptômes dépressifs pour l'un ou l'autre des parents, il existe des groupes de soutien. Il ne faut pas hésiter à prendre conseils auprès d'un professionnels de santé. Des ressources littéraires sont aussi à disposition pour offrir un accompagnement émotionnel et des conseils pratiques. Les parents et les enfants peuvent ainsi trouver le soutien nécessaire pour faire face à cette étape de vie et en faire une expérience de croissance personnelle et familiale enrichissante.
Référence :
Le jour où les enfants s’en vont, Béatrice Copper-Royer, Le Livre de Poche, 2014
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