#148 - L'éducation à hauteur d’enfant en Suède - Marion Cuerq

Parler d’une autre éducation, celle qui se place à hauteur d’enfant, qui respecte les droits des enfants et qui sort de son champ lexical des mots tels que “punition”, “violence”, “intimidation”, “culpabilité”, c’est exactement le cas de l'éducation en Suède. Marion est venue nous en parler avec grande justesse dans l’épisode du jour.

Grande admiratrice de ce pays nordique et de son modèle éducatif, Marion a publié un livre aux éditions Marabout, Une enfance en Nord, qui explique comment la Suède est devenue LE pays exemplaire en termes d’éducation sans violence.

L'éducation en Suède, pays pionnier en matière de modèle éducatif sans violence

Dès le collège, Marion Cuerq s'intéresse à la violence éducative ordinaire. C'est un combat qui l'a animé très jeune ! Elle lit Olivier Maurel, Alice Miller et découvre au détour de ses lectures que la Suède est le premier pays à avoir interdit les punitions corporelles. C'est décidé, à sa majorité, elle ira découvrir ce pays et son modèle éducatif. La Suède interdit dès 1979 les « violences ordinaires non éducatives » comme les nomme Marion. Plus de 40 ans après, la Suède a donc une génération d'enfants, les « enfants imbattables », qui sont devenus adultes, parents, professionnels et qui ont donc une compétence inconsciente naturelle de la non-violence. C'est inscrit en eux. Face à de la violence, ils seront plus dans la stupéfaction que dans la culpabilisation. Ils ont, de fait, une extrême bienveillance envers les adultes. Leur vision éducative est libératrice pour les enfants et pour les parents.

La confiance commence dès l'enfance : le cas du modèle éducatif français

Pour Marion, en France, nous sommes encore très loin de cette approche. D'ailleurs, au moment de l'enregistrement de l'épisode, l'éducation des enfants animait le débat dans les médias. Un article titrait même « assurer qu'un enfant peut être élevé sans rapport de force ni agressivité est un mensonge ». Une incompréhension forte pour Marion même si elle sait que cette vision est profondément enracinée dans la société française. Cela la peine qu'on puisse laisser penser que c'est la bonne voie pour les enfants et pour les parents.

Elle voit cette colère de la société française, cette méfiance, cette verticalité décriée. Elle explique que si les gens veulent moins de cette hiérarchie, plus de dialogue et de confiance, cela doit passer par l'éducation. Cette confiance commence dès l'enfance. Ce n'est pas en élevant des enfants dans l'agressivité et le rapport de force, que la situation pourra s'arranger. Ce principe va de toute façon à l'encontre de la Convention des droits de l'enfant et de la loi de 2019 sur l'interdiction des VEO.  

Éducation bienveillante et enfant roi : mensonge ou vérité ?

La société française est encore majoritairement dans l'idée que l'éducation bienveillante fabrique des enfants rois. C'est à un point où l'on culpabilise les parents qui choisissent d'éduquer sans punir. En Suède, il n'est pas nécessaire de qualifier l'éducation de bienveillante. Elle l'est par essence. En France, l'éducation bienveillante est encore perçue, traitée, nommée comme une éducation alternative, une méthode. Et choisir ce type d'éducation, c'est se détacher de la norme. Les enfants sont dépeints comme des petits êtres qui n'ont qu'une envie, manipuler l'adulte. Leur éducation est basée sur l'autoritarisme. Pourquoi la France ne pourrait-elle pas opérer un changement en profondeur comme l'a fait la Suède ? Dans ce pays, le mot caprice n'existe pas. L'enfant roi désigne l'enfant du couple royal. La bienveillance s'étend jusque dans le vocabulaire et finalement dans toutes les ramifications de la société suédoise.

L'éducation en Suède : la bienveillance, une compétence inconsciente et naturelle

Le modèle éducatif suédois : de la hauteur d'enfant...

Ce n'est pas tant la Suède qui est en avance en matière de modèle éducatif que la France qui est en retard. L'éducation en Suède respecte la Convention des enfants (la Suède ne parle même plus de droits), ratifiée par la France en 1990. Ce texte stipule que l'adulte doit être une figure de protection, d'écoute et de dialogue pour l'enfant.

La société suédoise a procédé par étapes. Elle s'est d'abord mise à hauteur d'enfant, en essayant de voir le monde selon leur propre perception. Ce n'est donc pas une méthode qui s'applique, c'est l'adoption d'une posture qui utilise le filtre de la confiance. Ainsi, dans tous les domaines de la société, la non-violence et la bienveillance sont normales. Cela nécessite de passer par une phase de compétence consciente. On prend conscience que cela ne fonctionne pas, ni pour l'enfant, ni pour le parent. On cherche comment faire autrement. Dans un premier temps, on perd forcément un peu de naturel puisqu'on le fait en conscience. Puis, on en arrive au stade où en est la Suède actuellement : la compétence inconsciente, celle qui fait que les adultes sont profondément et naturellement bienveillants envers les enfants.

... à l'enfant auteur

Aujourd'hui, l'éducation en Suède franchit une nouvelle marche, toujours dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Considérant que les vrais experts de l'enfance, ce sont les enfants, ils souhaitent les inclure dans les questions d'enfance. Ils appliquent ainsi l'article 12 sur la parole des enfants (c'est un principe fondamental de la convention) : « l'enfant a le droit de donner son avis et nous avons l'obligation en tant qu'adulte de le prendre au sérieux ». Et à ceux qui opposent qu'il s'agit d'enfants capables de discernement, le fait que tous les enfants ne soient pas capables de discernement ne doit pas être un principe appliqué pour exclure la parole de l'enfant. Même de très jeunes enfants, à travers la peinture, les mimiques, s'expriment pour dire leurs préférences, leurs envies. On doit les écouter, ce n'est pas une option. En France, on ne le sait pas. Qui connaît finalement la Convention internationale des droits de l'enfant ?

En Suède, le concept d'enfant auteur, c'est l'enfant qui va donner sa perception des choses, sa vision du monde. C'est une rencontre entre l'adulte qui essaie de faire du mieux qu'il peut depuis sa hauteur d'enfant et l'enfant auteur.  Ils entrent dans un dialogue et une interaction, qui sont des valeurs extrêmement importantes en Suède. L'objectif est de suivre l'intérêt supérieur de l'enfant, article 3 de la Convention des enfants, qui stipule que toute décision de l'adulte doit aller dans l'intérêt de l'enfant.

C’est un épisode qui m’a particulièrement touché, je suis certaine que ce sera le cas pour vous aussi !

Référence du podcast :

Une enfance en Nord, éditions Marabout, 2023

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