Que révèle la tendance « No kids » de notre société avec Jean-Didier Urbain #254
La tendance no kids occupe aujourd’hui les débats médiatiques, touristiques et parentaux. Le terme désigne des espaces, des services ou des pratiques qui excluent ou mettent à distance les enfants : hôtels réservés aux adultes, compartiments silencieux dans les trains, restaurants sans poussettes, voire quartiers résidentiels où la présence d’enfants est implicitement découragée. Mais ce qui frappe, selon l’anthropologue Jean-Didier Urbain, invité du podcast Les Adultes de Demain, c’est moins l’existence de cette tendance que le fait de la nommer publiquement. « Ce qui choque dans cette affaire, c’est qu’on nomme la pratique, alors que cette pratique existe déjà depuis longtemps. » Nommer, c’est rendre visible — et ce dévoilement nous interroge sur la place que nous accordons réellement aux enfants dans nos vies collectives.
Qu’est-ce que la “tendance no kids” ? Pourquoi nous dérange-t-elle ?
Si la tendance no kids paraît récente, ce n’est pas sa pratique qui est neuve, mais son explicitation. Pendant des décennies, la séparation entre espaces d’enfants et espaces d’adultes se vivait sans être formulée : colonies de vacances, séjours scolaires, clubs enfants dans les villages vacances, ou simplement le salon séparé des adultes dans les maisons familiales. Cette séparation tacite était largement acceptée, car elle prolongeait la division du travail éducatif : les parents déléguaient, la société accompagnait.
Aujourd’hui, le changement tient à la prise de conscience collective : on dit “no kids”, on l’affiche, on l’écrit. Ce passage du non-dit au nommable modifie profondément la perception du phénomène. Comme l’explique Jean-Didier Urbain, grand spécialiste français du tourisme, des vacances et du voyage, domaine qu'il explore à travers l'anthropologie mais aussi la sociologie et l'ethnologie :
« On passe de la loi tacite, de la loi d’usage, à une loi beaucoup plus formelle, qui devient même un argument marketing. »
Nommer, c’est rendre discutable.
Mais si la nomination choque, ce n’est pas seulement parce qu’elle rompt avec une habitude tacite : c’est qu’elle réveille un imaginaire très ancien, profondément ancré dans nos représentations du couple et de la famille. Jean-Didier Urbain rappelle que « ce qui choque, c’est parce que ça touche l’enfant », mais aussi parce que cela bouscule une nostalgie collective :
« Je pense que plutôt, il y a un rêve, quelque part, qui se protège, que des vacances sans enfants, c’est une façon de renouer avec des situations, pour les couples avec enfants, qui ont la nostalgie de la diade amoureuse des origines. »
Selon lui, vouloir interdire l’exclusion des enfants ne suffirait pas à inverser ce mouvement. Il cite Simone Weil : « Tout acte impératif [...] ne modifie pas les comportements. »
Dès lors, dit-il, « il faut d'abord interroger le comportement avant de porter un jugement là-dessus. »
Autrement dit : interdire le no kids ne ferait pas revenir l’enfant au centre, tant que le désir de se retrouver “à deux” demeure vivant.
Quelles sont les origines de la tendance no kids ?
Une transformation silencieuse : l’effacement progressif des espaces collectifs de l’enfance
Pour comprendre pourquoi la tendance no kids prend aujourd’hui autant d’ampleur, il faut regarder comment la vie familiale et les pratiques de voyage ont évolué au cours des dernières décennies. Jean-Didier Urbain rappelle d’abord qu’avoir des enfants signifiait autrefois rester sur place :
« Jusqu’aux années 60, le fait d'avoir des enfants était un facteur de sédentarisation. »
Les familles passaient leurs vacances dans leur cercle élargi, à la campagne ou au bord de la mer, au sein d’une organisation familiale plus étendue, plus stable, moins mobile.
Un basculement culturel et logistique : les enfants partout, tout le temps
À partir des années 70-80, une rupture apparaît : les enfants deviennent intégrés aux pratiques adultes de voyage, et ce bien plus tôt qu’auparavant.
« À partir des années 70-80, les enfants sont embarqués dans des pratiques adultes de voyage au long cours, de randonnée. (...) On n'attend plus que les enfants soient grands pour entamer de grands voyages. »
Déléguer la garde de l'enfant est devenu l’exception
Ce renversement s’accompagne d’un refus croissant de déléguer l’enfant à des tiers. Les mutations sont à la fois structurelles et culturelles. Jean-Didier Urbain souligne une double dynamique :
Des instances d’accueil qui s’effritent :
« Ça a été le déclin des colonies de vacances, le déclin aussi des comités d'entreprise avec leur propre camp de vacances. »Des ressources familiales qui se sont déplacées :
« Les grands-parents se sont mis eux aussi à voyager, eux qui étaient plutôt assignés à résidence et tacitement sommés [de garder les enfants], la grand-mère de l’été… »
Cette évolution interroge d’ailleurs aussi le rôle des grands-parents aujourd’hui, pris entre désir d'autonomie et soutien familial — un sujet exploré dans cet échange avec Sophie Gaillet sur le rôle des grands-parents dans les familles contemporaines.
Résultat : les dispositifs qui permettaient autrefois aux parents de souffler, transmettre, s’appuyer sur une communauté éducative ont diminué. Mais ce n’est pas seulement la disparition des structures, c’est aussi — et surtout — un choix parental de garder les enfants auprès de soi.
Jean-Didier Urbain ne l’énonce pas comme une injonction, mais comme un mouvement de fond : les parents veulent accompagner leurs enfants, ne plus les “laisser”, parfois au prix de leur propre disponibilité.
Ce rapport ambivalent à la parentalité — entre amour, épuisement, désir d’enfant et désir de soi — rejoint aussi des questionnements plus intimes sur comment savoir si l’on veut un enfant, un sujet abordé avec Mathilde Bouychou.
Cette proximité constante — généralement aimée, choisie, mais parfois épuisante — crée aussi un besoin d’échappée, un espace où l’on sortirait des exigences quotidiennes liées à l’enfance. Jean-Didier Urbain insiste :
« Les vacances, c'est ce moment où je sors d'une sociabilité subie au profit d'une sociabilité choisie. »
Dans cette parenthèse spatio-temporelle, l’enfant redevient alors figure de la “vie publique” — y compris lorsqu’il s’agit de notre propre enfant.
« Il n’y a pas que mes enfants, il y a aussi les enfants des autres. Et je n’ai pas envie [...] de vivre toujours dans ce même contexte où je subis la proximité de l'autre. »
Ce rapport à l’espace public, où l’enfant apparaît parfois comme un intrus, résonne avec des réflexions plus larges sur la place des enfants dans la ville, déjà abordées avec Thierry Paquot dans Les Adultes de Demain.
Ce n’est donc pas seulement la présence de l’enfant qui dérange, mais son omniprésence dans des espaces que certains considèrent comme réservés au lâcher-prise.
Pour Jean-Didier Urbain, « ce n’est pas une mode », mais l’effondrement d’un paradigme selon lequel l’enfant doit être partout.
Des conséquences profondes sur la vie familiale et la socialisation des enfants
Avec moins d’intermédiaires, l’enfant est toujours là. Jean-Didier Urbain résume :
« Il y a eu tout un système qui a disparu et donc les parents se sont retrouvés face à leurs enfants tout le temps. »
Cette présence continue transforme :
le rapport au temps parental, car l’enfant accompagne toutes les sphères de vie ;
la charge mentale, en l’absence de relais structurés ;
la tolérance sociale, car l’enfant devient une présence constante dans des espaces auparavant différenciés ;
la socialisation, puisque les familles se vivent ensuite comme des noyaux resserrés (voir ci-après), moins insérés dans des communautés intergénérationnelles.
Il y a là une évolution majeure : en disparaissant, les espaces tiers ne sont pas remplacés, mais internalisés dans la cellule familiale.
Ce déplacement se retrouve dans l’école, autrefois lieu de séparation temporaire entre parents et enfants.
« L'école n'est plus cette espèce de sanctuaire où on confie ses enfants à des éducateurs non contestés. Aujourd'hui, les parents sont rentrés dans les écoles. »
L’école maternelle comme « substitut » — pour reprendre ses mots — ne joue plus entièrement ce rôle d’espace intermédiaire.
Avec l’école maternelle, « on remplaçait, si vous voulez, et on séparait, du coup, les enfants de leurs parents. »
Résultat : le circuit d’alternance entre espace familial / espace tiers / espace collectif s’est distendu.
Colonies, grands-parents, écoles, tourisme : tous ces relais ont perdu de leur étanchéité, ce qui rend la présence des enfants à la fois plus diffuse et plus constante.
Ce glissement explique en partie pourquoi la moindre mise à distance formalisée des enfants peut aujourd’hui sembler brutale : elle intervient à contre-courant d’une présence généralisée.
Du collectif au tributaire : quand le noyau familial devient l’unité de base
Ce recentrage sur la famille s’inscrit dans une transformation sociologique plus large :
« Les familles sont de plus en plus resserrées, repliées sur elles-mêmes. (...) On reconstitue des tribus. »
L’urbanisation, les mobilités, l’individualisation des parcours de vie ont disloqué les familles étendues, ce qui a renforcé le modèle du noyau familial dense — présent, solidaire, mais moins ouvert sur l’extérieur. Dans ce modèle, l’enfant n’a plus vraiment de “dehors” : il circule avec ses parents, dans leur rythme, leurs attentes, leurs espaces.
Ainsi, lorsque surgit une offre no kids, elle ne fait pas que proposer un service : elle fissure ce noyau, elle remet en question une organisation devenue évidente. D’où la réaction épidermique : supprimer l’enfant d’un espace, c’est remettre en cause le modèle même qui structure aujourd’hui la parentalité.
Ce n’est pas un hasard si ces transformations se lisent aussi dans nos environnements urbains : une ville pensée pour les flux adultes n’offre pas toujours d’espaces fluides pour les familles, comme l’analyse Adriane van der Wilk au micro des Adultes de Demain dans cette interview sur le besoin de repenser les villes pour les familles.
©Askar Abayev
Segmentation des âges : de la filiation au “saucissonnage” générationnel
Parallèlement, la tendance no kids prend appui sur une mutation profonde : l’éclatement des générations.
Nous sommes passés d’une vision continue de la vie — enfance, adolescence, âge adulte, vieillesse — à une segmentation infinie des identités d’âge.
Jean-Didier Urbain le formule ainsi :
« On a l’enfant, on a le pré-ado, on a l’ado, on a le post-ado, on a l’adulescent, les parents immatures... et en plus, on a les générations X, Y, Z. »
Cette segmentation ne relève pas seulement des sciences sociales : elle structure le marché, le marketing, les médias, les usages numériques, les politiques publiques. Et ses conséquences sont profondes :
l’enfant est assigné à sa catégorie ;
l’adulte protège son territoire symbolique ;
le senior est mis à distance.
Ce mouvement de segmentation générationnelle n’épargne personne : dans les années 60-70, ce sont les seniors qui se sont protégés des enfants, donnant naissance aux Sun City, ces villes américaines « sans école et sans enfants », créées « par des vieux qui se révoltaient contre une société jeuniste ».
Jean-Didier Urbain le rappelle :
« Elles se sont développées. Elles existent toujours. En Arizona, il y en a deux. »
Autrement dit, l’exclusion des enfants n’est pas une invention contemporaine, mais une déclinaison d’une guerre des âges plus ancienne, où chacun cherche « une communauté choisie » — ni trop jeune, ni trop vieille.
La tendance no kids ne touche donc pas uniquement les enfants :
« je crois que ce qui choque, c'est parce que ça touche l'enfant. Mais la discrimination, je dirais, par génération, elle existe déjà depuis longtemps. Elle s'est d'abord portée sur les anciens. Les anciens qui, avant, étaient les héritiers du savoir, la mémoire du groupe, etc., maintenant sont transformés en radoteurs, en séniles, en Alzheimer, en tout ce que vous voulez. Et on ne les écoute plus, quelque part. [...] Il y a une génération intermédiaire qui, en aval, ne veut plus de vieux et qui, en amont, ne veut plus d’enfant. »
Le phénomène révèle ainsi un problème structurel : nous avons perdu le sens de la continuité générationnelle, c’est-à-dire la conscience que les âges s’enchaînent, se répondent, se transmettent.
« Cette espèce de saucissonnage des générations, c'est un petit peu le mal de notre société. On a perdu le sens de la filiation et on saucissonne le temps des âges, de plus en plus, d'ailleurs. »
Le bruit, nouveau paramètre de rejet : quand l’enfant devient “pollueur sonore”
Un autre facteur éclaire l’adhésion croissante à la tendance no kids : le rapport contemporain au bruit.
Le silence s’est imposé comme un nouveau confort : voitures électriques silencieuses, normes anti-bruit, doubles vitrages, campagnes contre les klaxons, espaces de télétravail feutrés.
Dans ce paradigme, l’enfant — par son énergie, ses cris, sa joie ou ses pleurs — devient l’incarnation du bruit non choisi.
Jean-Didier Urbain rappelle :
« Dans une société où le paradigme du silence est un des premiers paramètres du confort et du bien-être, comment gérer du bruit ? »
Cette perception est renforcée par des faits médiatisés : l’exemple récent d’une école fermée pour nuisances sonores n’a laissé personne indifférent.
L’anthropologue souligne :
« Une enquête publiée sur l’échelle sonore montrait que la cour de récréation se situe entre l’aspirateur et la perceuse. »
Le bruit des enfants n’est donc plus un simple marqueur de vie, mais devient progressivement un enjeu de coexistence — et parfois de conflit.
Cette évolution contribue directement au renforcement d’espaces où l’on cherche à s’entendre soi-même, même temporairement.
La frontière entre bruit et silence s’institutionnalise progressivement.
« Certaines compagnies ferroviaires prévoient des compartiments joyeux réservés aux enfants et des compartiments silencieux réservés aux adultes. »
Pour Jean-Didier Urbain, cette séparation s’explique par une intériorisation du silence comme norme du bien-être, tandis que la nature, fantasmée comme refuge silencieux, ne l’est pas réellement :
« Il n’y a rien de plus bruyant que la nature. [...] La nature fantasmée comme l'absence d'hommes. »
L’enfant devient alors un rappel sonore de la vie collective, dans une époque qui célèbre l’intériorité.
© Jep Gambardella
Tribalisme affinitiaire : se retrouver entre semblables plutôt qu’entre générations
La tendance no kids s’inscrit aussi dans une mutation du rapport au collectif : nous ne vivons plus exclusivement dans des sociétés globales, mais dans des communautés de goûts, de valeurs, d’affinités.
Jean-Didier Urbain observe que le tourisme a anticipé cette logique :
« Les blogs ont ouvert la voie : blogs des femmes seules, des célibataires, des amoureux de la nature, des botanistes… »
Ces regroupements ne sont pas rejet de l’autre, mais quête du même : un confort psychologique, une simplicité relationnelle, une réassurance identitaire.
Il ajoute :
« C’est au fond se retrouver entre soi, mais entre les mêmes, un désir du même. »
Ce désir de se retrouver “entre soi” ne se limite pas aux hôtels ou aux croisières.
Jean-Didier Urbain soulève un exemple très parlant :
« Toute la culture du festival (Avignon pour le théâtre, Arles pour la photographie, etc.) [...] ce sont des événements proprement affinitaires. On n’y va pas pour rencontrer des autres, mais pour rencontrer les mêmes. »
Ainsi, no kids n’est pas une exception, mais une variante de pratiques sociales déjà bien installées, structurées autour de goûts, d’esthétiques, de repères communs.
La tendance no kids répond donc à une dynamique plus large : la construction d’espaces temporaires, choisis, régressifs parfois, où l’on ne se confronte pas immédiatement à l’altérité.
Ce n’est pas forcément une peur de la différence ;
c’est parfois une recherche de ressourcement ;
tant que cette pratique ne devient pas exclusive, permanente et radicalisée.
C’est cette radicalisation ponctuelle qui, nommée, interroge.
Cette logique du « désir du même » ne relève pas seulement des goûts ou des styles de vie : elle structure aussi notre rapport aux autres dans l’espace. Jean-Didier Urbain rapproche ainsi la tendance no kids du syndrome NIMBY — Not In My Backyard, littéralement « pas dans mon jardin » :
« Le No Kids, c'est un peu à la relation sociale ce que peut être le syndrome NIMBY au niveau de l'espace. D’accord, mais pas dans mon jardin. D’accord, mais pas avec les enfants. »
Autrement dit, on ne remet pas forcément en cause l’existence des enfants, mais leur présence immédiate dans l’espace de retrait que l’on pensait s’accorder. L’enfant n’est pas indésirable en soi : il l’est ici, maintenant, dans ce moment où je veux m’entendre moi-même.
No kids : mode médiatique ou tendance de fond ?
Le rôle des médias : amplifier un phénomène déjà là
La médiatisation de la tendance no kids donne parfois l’impression d’un phénomène envahissant, nouveau, agressif.
Mais pour Jean-Didier Urbain, cette perception tient moins à l’ampleur réelle du phénomène qu’à la propriété des médias à amplifier ce qui touche toutes les sensibilités :
« Les médias sont un résonateur extraordinaire. Le fait de le dire donne un effet d’amplification, mais ça ne suffit pas pour expliquer la tendance. »
Pour que l’amplification prenne, il faut un terrain favorable, ce qu’on appelle en sociologie un horizon d’attente.
Or aujourd’hui, cet horizon est constitué de :
dénatalité ;
inflation du coût de la parentalité ;
injonction à l’épanouissement individuel ;
urbanisation intense ;
socialisation numérique affinitiaire ;
et comme nous l'avons vu,
séparation des âges ;
valeur du silence.
Dans ce contexte, le terme no kids colle, parce qu’il s’inscrit dans des tensions déjà existantes.
L’anthropologue insiste :
« La tendance existe avant. Il faut un terrain favorable pour que ça passe. »
Tourisme : une offre déjà polarisée, un marché en mutation
Historiquement, les hôtels n’ont pas été conçus pour accueillir les familles,
car ils répondaient aux pratiques de classe supérieure :
« Le modèle hôtelier reste héritier d’une inauguration aristocratique. [...] Les aristocrates ont généralement deux habitats. [...] Si on a des enfants, on les confie à des nurses. »
Dans ce cadre, les familles voyageaient avec personnel, ou louaient plusieurs chambres, ce qui contournait l’inadaptation des lieux.
Aujourd’hui, le coût du logement, la disparition des nurses, et le besoin de chambres familiales abordables orientent naturellement vers Airbnb et les locations saisonnières — pas par rejet du collectif, mais par adaptation économique et logistique.
Si la tendance no kids s’incarne souvent dans le tourisme, c’est que ce secteur reflète les aspirations sociales.
Et la séparation existe déjà :
hôtels réservés aux adultes ;
croisières avec clubs enfants pour libérer les parents ;
locations familiales sur Airbnb ;
hébergement traditionnel peu adapté aux familles.
Comme l’explique Jean-Didier Urbain :
« Le modèle hôtelier reste héritier d’une inauguration aristocratique. [...] Les aristocrates ont généralement deux habitats. [...] Si on a des enfants, on les confie à des nurses. »
Le tourisme apparaît ainsi comme le miroir des inégalités structurelles de l’accueil des familles.
Mais il est aussi fragilisé par l’autonomie nouvelle des voyageurs :
« On peut auto-produire, auto-organiser ses voyages, ses séjours, sans passer par une agence. »
La tendance no kids n’est donc pas la cause d’une polarisation touristique, elle en est le symptôme.
Ce que révèle la tendance no kids : une société à reconstruire par les liens
Au-delà des débats, le cœur du sujet se situe ailleurs : dans notre capacité à faire coexister les âges.
Le risque n’est pas la multiplication des hôtels “adults only”, mais l’acceptation durable d’une société où les générations vivent séparées.
Car comme le rappelle Jean-Didier Urbain :
« En principe, une société, c’est un tout, où chacun a sa place. »
Pour les enfants d’aujourd’hui, l’avenir réside dans la communication intergénérationnelle, la circulation des récits, des expériences, des sensibilités.
« La communication n’est pas une dimension de la vie sociale, elle est la vie sociale même. » — Claude Lévi-Strauss, cité par Jean-Didier Urbain
Cette phrase résonne puissamment : communiquer, c’est tisser, transmettre, relier.
C’est accepter que les enfants d’aujourd’hui deviendront les adultes de demain — et les anciens d’après-demain.
Peut-être que l’enjeu n’est pas de condamner la tendance no kids, mais de comprendre ce qu’elle nous révèle de nos fragilités collectives : notre difficulté à accueillir ensemble ceux qui ne produisent pas encore et ceux qui ne produisent plus.
Comment redonner à l’enfant sa place dans le collectif ?
Jean-Didier Urbain l'affirme : la tendance no kids ne disparaîtra pas par décret, ni par indignation. Elle ne diminuera que si nous parvenons à réinventer des espaces sociaux où les âges se rencontrent vraiment, sans assignation, sans cloisonnement, sans hiérarchie.
Ce travail ne relève pas que des politiques publiques : il appartient à chacun de nous, parents, éducateurs, citoyens, professionnels du tourisme, voisins, passants.
Car au fond, comme le dit si simplement Jean-Didier Urbain :
« Il ne s’agit pas de condamner pour faire disparaître un phénomène. Il faut comprendre d’où il vient. »
Urbain l’affirme : la clé n’est pas d’interdire les espaces sans enfants, mais de restaurer des espaces communs où les âges se croisent. Parce que « se bloquer sur une posture, c’est quelque part refuser la vie. »
Assumer que les enfants nous dérangent parfois, admettre que nous avons besoin de silence, mais continuer à leur faire une place réelle, mouvante, imparfaite, vivante, voilà peut-être le cœur de l’enjeu.
Ce n’est pas seulement dépasser la tendance no kids. C’est accepter la continuité des âges comme une condition du lien social — et donc de notre avenir commun. Car faire coexister les âges, c’est aussi faire famille autrement, en tenant ensemble les liens d’affection, les temporalités, les aspirations individuelles — une tension explorée lors d’un entretien avec Sophie Galabru.
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Comment nos voyages parlent de nous, Jean-Didier Urbain, Éditions de l’Aube, 2025
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