[BEST-OF] Comment accueillir la colère des enfants ? - Stéphanie Couturier

En tant que parents, nous la redoutons cette colère qui explose chez nos enfants. Celle qui se donne à voir en public, mais aussi à la maison.  On se sent fréquemment démuni et on se demande comme la gérer. Stéphanie Couturier, psychomotricienne et sophrologie nous apporte son éclairage sur le fonctionnement des émotions. Elle délivre plus particulièrement des conseils pour accueillir la colère des enfants. Avec sa vision éclairée, elle nous aide à mieux comprendre la colère chez les enfants. Elle nous donne une approche à la fois pragmatique et astucieuse pour y faire face de manière bienveillante.

Comment fonctionnent les émotions chez les enfants ?

Les émotions chez l'adulte vs chez l'enfant

Stéphanie Couturier explique que le mot émotion vient du latin movere. Cela signifie « mettre en mouvement », dans le sens d'ébranler. C'est donc un ressenti intérieur qui crée du mouvement en nous.

Mais là où un adulte a la capacité de comprendre ce qu'il ressent et généralement d'agir dessus, un enfant ne le peut pas. Un adulte arrive fréquemment à s'apaiser parce que son cerveau est mature. L'enfant lui a un cerveau immature. C'est aujourd'hui prouvé par les recherches en neurosciences.

L'enfant n'a donc pas du tout l'habileté physiologique pour gérer seul ses émotions. Il reçoit l'émotion, le mouvement, sans filtre, ni barrage, ni code. Ses manifestations émotionnelles sont donc intenses.

Même un adulte éprouve par de la difficulté à se canaliser quand il est traversé par de fortes émotions. Un enfant dans une situation similaire ne le peut tout simplement pas.

L'apprentissage des émotions chez l'enfant

Heureusement, progressivement, avec l'âge, un enfant va apprendre à comprendre ce qu'il ressent, grâce à l'adulte. Plus l'enfant aura l'expérience d'une émotion, mieux il la comprendra, l'appréhendera et pourra agir dessus.

Pour l'aider, l'adulte doit nommer les émotions, pas seulement celles de son enfant, les siennes également.

Par exemple, lorsqu'en tant que parent, on se laisse déborder par une émotion, on fait en sorte :

  • dans un premier temps de s'isoler, de passer le relais pour que la situation ne dégénère pas ;

  • dans un second temps, quand l'intensité émotionnelle redescend, d'expliquer à son enfant ce que l'on a ressenti.

« J'ai crié fort, parce que j'ai eu peur ». Ou « j'ai crié, je me suis énervé·e parce que j'étais en colère : je dois répéter dix fois les choses, je suis déçue et ça monte en colère, comme une mayonnaise. »

Ou une chantilly ou encore une grosse vague. Stéphanie Couturier conseille de trouver un vocabulaire et donner des images qui appartiennent à la famille, aux enfants pour les aider à comprendre. Dans une famille qui cuisine beaucoup, des images telles que la mayonnaise ou la chantilly trouvent bien leur place. Dans son cas personnel, elle explique qu'il est souvent question de vagues, son mari étant surfeur.

Elle encourage aussi les parents bousculés intérieurement par les émotions fortes de leurs enfants et leurs propres difficultés à faire face à travailler sur leur vécu.

➕ Complétez ces éléments en lisant l'article sur l'approche Faber et Mazlish, issu de l'épisode avec Guila Clara Kessous.

Comment accueillir la colère des enfants ?

Qu'est-ce que la colère ?

La colère est une émotion importante parce qu'elle permet aux enfants de s'exprimer, de s'affirmer. Elle est considérée comme difficile à gérer par les parents, parce qu'elle est fréquemment très démonstrative.

Il faut éviter de rentrer dans un schéma qui serait celui de «  faire taire la colère ». « La colère, il faut l'écouter », explique Stéphanie Couturier. 

Pourquoi un enfant se met-il en colère ?

Les sources de colère chez les enfants sont variées. Cela peut être lié à la frustration, la peur, le sentiment d'injustice, ou encore l'incapacité à exprimer d'autres émotions. Comprendre les raisons sous-jacentes de leur colère nous permet de mieux les accompagner. On peut ainsi les aider à apprendre à accueillir cette colère, à gérer cette émotion complexe. 

On entend souvent les gens dire : « il fait un caprice ». Or, c'est une étiquette qu'on colle sur l'enfant. Lui, il est juste submergé par un désir très fort, une exigence soudaine. En aucun cas, il n'essaie de manipuler l'adulte pour arriver à ses fins. « L'enfant est juste dans une vague émotionnelle intense et il ne peut pas en sortir. Il essaie de se relever, mais il retombe avec la vague d'après. »

Ce ne sont ni des caprices, ni une dérive de l'éducation bienveillante ou positive. C'est seulement, comme nous l'avons vu, que le cerveau de l'enfant n'est pas suffisamment mature pour comprendre ce qui lui arrive.

Comment accueillir la colère des enfants ?

Pour aider l'enfant à gérer sa colère, l'adulte essaie de se mettre à sa hauteur, tant physiquement que mentalement. Il tente de lui parler, de changer de sujet, de détourner son attention.

🎧 Écoutez à ce propos l'épisode sur l'éducation en Suède, à hauteur d'enfant, avec Marion Cuerq

Poser des mots sur les maux pour accueillir la colère des enfants

L'adulte pose des mots pour que l'enfant se sente écouté, compris, respecté.

L'objectif est de permettre à l'enfant de s'apaiser. Ensuite, un échange pourra avoir lieu sur ce qui s'est passé. Par trop éloigné dans le temps de la situation, car l'enfant passe la plupart du temps rapidement à autre chose. Il ne rumine pas une émotion comme peut le faire un adulte.

C'est là que le travail sur les images peut être intéressant. Quand on sent la colère montait chez l'enfant, on peut la désigner par le nom commun qui aura été choisi : un animal, une couleur, un élément naturel... L'essentiel, c'est que ce mot ne fasse pas peur à l'enfant. Si on désigne la colère par de la dynamite, il peut s'angoisser à l'idée qu'il a de la dynamite en lui à chaque fois qu'il sent la colère venir. Il peut alors ne plus l'exprimer, ce qui n'est pas sain.

Lire des livres pour accueillir colère et autres émotions

Le travail sur les émotions peut se mener en parallèle au long cours, à travers notamment la lecture d'histoires (voir en fin d'articles une liste d'albums). L'histoire permet à l'enfant :

  • de parler des émotions sans parler de lui ;

  • de se comparer, d'avoir des repères ;

  • de mobiliser des solutions proposées dans les livres.

💡 Découvrez l’épisode avec Michel Desmurget sur Pourquoi et comment faire aimer la lecture aux enfants.
L’auteur évoque en quoi la lecture permet le développement des compétences psychosociales et apprend à mieux se comprendre soi-même.

Anticiper les situations susceptibles de provoquer une explosion de colère

Stéphanie Couturier évoque une situation qui déclenche fréquemment une émotion chez l'enfant. Il s'agit de la course dans un magasin pour acheter un cadeau pour un ami.

Elle explique qu'il est important de prévenir l'enfant de ce qui va se passer :

  • Première étape, la situation à venir : nous allons acheter un cadeau, mais ce ne sera pas pour toi. Il n'est pas prévu qu'on achète quelque chose pour toi aujourd'hui.

  • Deuxième étape, l'anticipation des émotions : tu risques d'avoir très envie d'un cadeau toi aussi.

  • Troisième étape, une proposition de solution : je te propose qu'on écrive dans le cahier de tes envies, ce que tu aimerais recevoir comme cadeau. Comme ça, à ton anniversaire, à Noël, on regardera cette liste.


🤔 Votre famille va s’agrandir et vous redoutez la réaction de votre aîné à l’annonce de l’arrivée d’un bébé ? Les conflits de fratrie sont sources de scènes de colère ? Écoutez l’épisode sur la fratrie et notamment la rivalité entre frères et sœurs avec Héloïse Junier.

Faut-il récompenser ou punir les enfants ?

Valoriser le progrès avec la frise émotionnelle

Stéphanie Couturier explique qu'il vaut mieux gratifier, montrer à l'enfant qu'il a réussi. Ainsi, si l'enfant ne s'est pas mis en colère dans le magasin, on peut le lui faire remarquer : « Tu as vu, tu as réussi à très bien géré tes émotions. On a noté plein de choses das ton cahier des envies, on va les relire à la maison ». L'adulte valorise ce qui s'est passé. 

Dans certains cas, comme l'enfant oublie les événements difficiles émotionnellement, telle une ardoise magique, une frise émotionnelle peut l'aider à visualiser ses progrès.

Cette frise se remplit sur la semaine à raison de trois fois par jour. Ainsi, les jours d'école, on symbolise par une gommette de couleur ou un symbole (soleil, nuage, éclair) comme se sont passés le matin, le retour de l'école et le coucher. Si en fin de semaine, un nombre de soleils prédéfinis a été atteint, rien n'empêche de saluer le progrès par une récompense. Mais plus qu'un objet, il peut s'agir d'une histoire supplémentaire le soir ou d'avoir le choix des desserts pendant les courses.

Réparer plutôt que punir

Stéphanie Couturier évoque sa propre famille au sein de laquelle les disputes de fratrie recomposée n'étaient toujours faciles à gérer. Bien sûr qu'il vaut mieux éduquer sans punir. Plutôt que de punitions, elle préfère évoquer les services qu'elle demandait aux enfants.

Il ne faut jamais que ce soit humiliant, avilissant. Il faut que cela soit constructif. Un enfant qui fait une bêtise, on va lui proposer de réparer, de nettoyer. Lorsqu'il s'agit d'une dispute entre frères et sœurs, elle leur proposait de s'occuper des plantes. Ils devaient ainsi nettoyer les feuilles des végétaux, ensemble, sans se disputer, avec leur petite éponge et bassine.

Accueillir la colère des enfants et autres émotions avec les livres

  • Les livres de Stéphanie Couturier aux éditions Gründ, dont Le livre de mes émotions, dans lequel on suit la semaine de Simone. Et ceux qui ont suivi sur la joie, l'amour, la colère, la jalousie, etc.

  • Max et les Maximonstres de Maurice Sendak, album qui a accompagné l'enfance de Stéphanie Couturier.

  • Grosse Colère de Mireille d'Allancé

  • La couleur des émotions d'Anna Llénas

  • C'est ma cuillère ! de Karine Dupont-Belrha

🎙 Retrouvez Stéphanie Couturier dans l'épisode sur les enfants hypersensibles.

Le podcast Les Adultes De Demain :

Deezer - Apple Podcast - Spotify

Précédent
Précédent

Best Of: Le monde insoupçonné des bébés - Sonia Krief & Nathalie Lancelin-Huin

Suivant
Suivant

#126 - Le sport et les jeunes - Philippe Oddou