Comment parler d’actualité aux enfants sans les inquiéter ? avec Pauline Leroy #240

Dans un monde en crise, marqué par des informations souvent violentes ou anxiogènes, de nombreux parents se demandent comment parler d’actualité aux enfants. Entre les rumeurs qui circulent dans les cours d’école, l’accès précoce aux écrans et la montée des fake news, il n’est pas toujours simple de savoir quoi dire, ni comment le dire, pour aider les plus jeunes à comprendre ce qui se passe autour d’eux.

Pour répondre à ces questions, Stéphanie d’Esclaibes a reçu Pauline Leroy, rédactrice en chef du Petit Quotidien, le seul journal quotidien conçu spécialement pour les enfants de 7 à 10 ans. Ensemble, elles explorent l’importance d’informer les enfants sans les effrayer, en privilégiant la pédagogie, le choix des mots et des supports adaptés.

Alors, faut-il éviter certains sujets sensibles, ou au contraire les aborder avec nuance ? Quels outils utiliser pour expliquer le monde aux plus jeunes ? Et surtout, comment les accompagner dans le développement de leur esprit critique ?

Parler d’actualité aux enfants est essentiel

Les enfants ne sont pas étrangers au monde qui les entoure. Même sans droit de vote ni responsabilités d’adultes, ils sont déjà des « petits citoyens », comme le souligne Pauline Leroy :

« Même sans avoir un droit de vote, sans être propriétaire, sans gagner sa vie, un enfant, c’est déjà un membre du monde. »

Dès le primaire, leur curiosité grandit, nourrie par les programmes scolaires, les discussions à l’école et les échanges en famille. L’actualité devient alors une fenêtre précieuse pour comprendre la géographie, l’histoire, les enjeux de société ou encore la vie des autres enfants dans le monde.

Mais informer ne signifie pas exposer brutalement. Parler d’actualité aux enfants, c’est leur offrir un cadre sécurisant où ils peuvent : 

  • poser des questions ;

  • exprimer leurs émotions ;

  • commencer à construire leur esprit critique.

Comme le rappelle Pauline Leroy, l’enjeu n’est pas de tout leur dire, mais de choisir ce qui mérite d’être expliqué, et comment.

C’est pourquoi le rôle des parents et des éducateurs est essentiel : plutôt que de censurer, il s’agit d’accompagner. Un enfant livré à lui-même face à une rumeur ou une information mal comprise risque d’être effrayé ou de développer des croyances erronées. À l’inverse, guidé par un adulte bienveillant, il apprend que l’actualité n’est pas seulement une source d’angoisse, mais aussi une occasion de mieux comprendre le monde et de s’y sentir acteur.

Comment parler d'actualité aux enfants : les conseils de Pauline Leroy, rédactrice en chef du Petit Quotidien

Les défis de l’actualité aujourd’hui pour en parler aux enfants

Si l’intérêt des enfants pour l’actualité reste constant à travers les générations, le contexte, lui, a profondément changé. Pauline Leroy souligne que l’information est aujourd’hui plus anxiogène et plus difficile à expliquer :

« Ce qui a changé, c’est probablement que l’actualité d’aujourd’hui, elle est anxiogène. […] Il faut aussi recontextualiser beaucoup ce que les enfants entendent. Ça, c’est sans doute plus nécessaire aujourd’hui que ça ne l’était il y a quelques années. »

Avec la mondialisation de l’information et l’instantanéité des nouvelles, tout semble arriver « près de chez nous ». Les enfants reçoivent ainsi des fragments d’actualité sans toujours comprendre le contexte, ce qui peut renforcer leur inquiétude.

À cela s’ajoute la montée en puissance des fake news, qui touchent désormais les plus jeunes. Pauline Leroy observe une tendance préoccupante :

« On a un peu l’impression que les enfants sont de plus en plus tôt confrontés aux rumeurs, aux fake news. Et ils sont aussi de plus en plus tôt sur les écrans. »

En effet, réseaux sociaux, vidéos et discussions dans les cours d’école exposent les enfants à des informations non vérifiées, parfois déformées ou manipulées. Pour un jeune lecteur, il devient alors difficile de distinguer le vrai du faux (sujet qui va d'ailleurs au-delà du fait de parler d'actualité aux enfants, puisqu'il en est question quand il s'agit d'éduquer les enfants à l'IA).

Enfin, la surexposition aux écrans accélère le phénomène : la télévision, les smartphones ou les réseaux sociaux diffusent des contenus non adaptés, souvent violents dans la forme, même lorsqu’ils ne le sont pas dans le fond. D’où la nécessité, selon Pauline Leroy, de proposer des supports spécialement conçus pour eux, où le vocabulaire, la mise en forme et le choix des sujets respectent leur âge et leur sensibilité.

Quelle actualité partager avec les enfants ?

Faut-il tout dire aux enfants, même les sujets les plus durs ? Pour Pauline Leroy, la réponse se trouve dans l’équilibre et la pédagogie.

Des thèmes adaptés et plébiscités pour parler d'actualité aux enfants

Au Petit Quotidien, certains sujets suscitent un enthousiasme particulier :

« Ils sont très, très, très attirés par les sujets animaux. […] Parler de la naissance d’un animal, même dans un zoo, c’est quand même, derrière, aller expliquer de quelle espèce on parle. Et donc, c’est de la géographie, des sciences, des écosystèmes… »

À travers ces thématiques accessibles, les enfants découvrent aussi des notions plus complexes : environnement, équilibre entre l’homme et la nature, ou encore grands enjeux écologiques. De même, la conquête spatiale, les exploits sportifs ou la vie d’autres enfants dans le monde captivent leur attention et permettent de créer des passerelles avec le programme scolaire.

Les sujets difficiles à traiter

La rédaction du Petit Quotidien (7-10 ans pour rappel) fait le choix de ne pas aborder tous les thèmes de l’actualité. Pauline Leroy l’explique clairement :

« On ne traite pas de la politique politicienne, par exemple, en France. […] Ce n’est pas tellement une question de tabou. […] Il y a juste une vraie réflexion sur qu’est-ce qui vaut la peine d’être expliqué, dans quel but et qu’est-ce que ça leur apprend. »

Ainsi, la guerre, les violences ou certains aspects de l’actualité économique ne sont pas toujours traités directement. Non pas par censure, mais parce que l’objectif est de privilégier les informations qui peuvent nourrir leur compréhension du monde sans les submerger.

Trouver un équilibre entre réalités et initiatives positives

Informer sans édulcorer, voilà le défi. Le rôle du journaliste jeunesse est d’exposer la réalité, mais aussi de montrer les solutions et les élans positifs qui existent :

« Sur un sujet difficile, notre travail, c’est de montrer la réalité du sujet. […] Mais derrière, on traite tout autant de toutes les initiatives positives. »

Réchauffement climatique et pollution plastique, par exemple, sont toujours accompagnés de reportages sur les innovations et les projets porteurs d’espoir. De cette manière, les enfants apprennent que si les problèmes existent, il existe aussi des moyens d’agir et d’espérer. Pas la peine de nourrir une potentielle écoanxiété.

Parler d'actualité aux enfants : une pédagogie adaptée, l'utilisation d'infographies, de cartes, etc.

3 mots-clés pour parler d’actualité aux enfants : pédagogie, choix des mots et supports adaptés.

4 clés pour parler concrètement d'actualité avec les enfants

Informer les enfants, oui, mais pas n’importe comment. La clé, selon Pauline Leroy, c’est la pédagogie :

« Moi, je crois énormément à la pédagogie. C’est le mot, pour moi, qui fait tout dans notre travail au Petit Quotidien. Pour moi, c’est la qualité essentielle que doit avoir notre travail pour les enfants : vraiment se remettre à leur niveau. »

1 - Des mots simples et adaptés à leur âge

Un enfant peut perdre le fil d’un article à cause d’un seul mot incompris. C’est pourquoi la rédaction du Petit Quotidien prend soin d’adapter son vocabulaire et ses références :

« On a plein d'astuces dans nos journaux pour ça. On a une rubrique dictionnaire qui nous permet d'expliquer des mots difficiles, par exemple. Rien qu’un seul mot de vocabulaire qu’un enfant ne comprend pas dans une phrase peut suffire à ce qu’il ne comprenne pas du tout de quoi on lui parle. »

Cela implique, par exemple, d’éviter les chiffres romains non expliqués, ou de préciser la localisation d’un pays que les enfants ne situent pas encore.

2 - Des outils pour faciliter la compréhension

Pour rendre l’information accessible, l’équipe multiplie les formats : infographies, photos, dessins, une rubrique « dictionnaire » qui définit les mots difficiles, des formules questions / réponses, etc. Ces différents types de document permettent aux enfants de mieux visualiser et de retenir les informations.

3 - S’appuyer sur des supports adaptés

Face à l’actualité brute, parfois violente et non pensée pour les plus jeunes, la presse jeunesse joue un rôle protecteur. Recevoir chaque jour un journal conçu pour eux devient un rendez-vous rassurant, où l’enfant sait que l’information lui est destinée et à sa portée.

4 - Créer des moments d’échange avec les enfants

Enfin, les parents ont un rôle clé. Pauline Leroy conseille d’instaurer des temps réguliers de parole pour éviter que les enfants gardent leurs inquiétudes pour eux :

« Le plus dangereux, c’est un enfant qui aurait entendu quelque chose […] et qui garde ça pour lui. »

Une lecture partagée du journal, ou un simple échange en fin de journée sur ce qui a marqué l’enfant, permet de dédramatiser et de donner des repères. Dans certains cas, comme pour des sujets difficiles (ex. guerre en Ukraine), le journal recommande même explicitement aux enfants de lire l’article accompagnés d’un adulte.

Parler d'actualité aux enfants : reportage à écouter

3 bienfaits de l’information adaptée pour les enfants

Partager l’actualité avec les enfants, lorsqu’elle est pensée pour eux, offre de nombreux bénéfices qui dépassent largement la simple transmission d’informations.

1 - Développer le goût de la lecture

Un quotidien jeunesse comme Le Petit Quotidien est aussi un outil pour consolider l’apprentissage de la lecture. Destiné aux enfants qui sortent tout juste du CP et sont encore en phase d’entraînement, Le Petit Quotidien les aide à progresser chaque jour, en douceur :

« Nos journaux sont conçus pour être lus en dix minutes : dix minutes de lecture et de découverte d’une actualité du monde. »

Recevoir un journal à son nom dans la boîte aux lettres crée en outre un rendez-vous valorisant et motivant, qui encourage la régularité.

2 - Construire un socle de connaissances et un esprit critique

Au-delà du développement du sens critique, l’information peut aussi nourrir l’émerveillement. Comme le souligne Pauline Leroy :

« Sur la cible du Petit Quotidien, donc nos lecteurs qui ont 7-8 ans, ça peut passer d’abord par l’émerveillement. On a le droit de s’émerveiller d’abord et de se faire un avis plus précis après. »

Cet émerveillement, qui est au cœur du développement de l’enfant, rejoint d’ailleurs les réflexions partagées par André Stern dans son entretien avec Stéphanie d’Esclaibes, à retrouver dans notre article sur l'enthousiasme de l'enfant.

Pour Pauline Leroy, impossible de développer son esprit critique sans une base solide de connaissances :

« Pour avoir un sens critique, pour être capable de donner son opinion sur quelque chose […], il faut d’abord avoir un certain socle de connaissances. Et je trouve que c’est là-dessus qu’on est utile. »

L’information adaptée permet donc aux enfants d’apprendre à observer, comparer, comprendre et, peu à peu, se forger une opinion. C’est une étape essentielle vers leur autonomie intellectuelle.

3 - Encourager le dialogue parent-enfant

Enfin, l’actualité est une formidable opportunité pour instaurer un temps d’échange au sein de la famille. La lecture partagée reste fréquente :

« Les parents interrogés nous disaient qu’ils étaient quand même une bonne proportion à accompagner leur enfant dans la lecture, ou en tout cas à avoir regardé le journal même s’ils ne le faisaient pas exactement en même temps. »

Ces moments nourrissent la complicité, permettent de répondre aux questions parfois difficiles et renforcent l’exemplarité : un enfant qui voit ses parents lire aura naturellement envie de les imiter.

 

Alors, comment parler d’actualité aux enfants ? L’entretien avec Pauline Leroy le rappelle : il n’y a pas de sujet totalement interdit, mais une nécessité constante de pédagogie et de discernement. L’enjeu n’est pas d’édulcorer la réalité, ni de plonger les enfants dans l’anxiété, mais de leur donner des clés adaptées à leur âge pour comprendre le monde.

Le rôle des parents et des éducateurs est ici central : accompagner, expliquer, répondre aux questions, plutôt que laisser l’enfant seul face à une information brute ou mal comprise.

Parler d’actualité, c’est donc bien plus qu’informer : c’est un acte éducatif, un moment de partage, et une façon de préparer les enfants à devenir des citoyens éclairés, capables de développer leur esprit critique et leur regard sur le monde.

Ouvrir les enfants à l’actualité, c’est les aider à devenir pleinement les adultes de demain.

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