L’IA et ChatGPT : l’impact sur l'éducation - Bastien Masse #159

Fin 2022, l'Intelligence Artificielle (IA) prend le devant de la scène grand public. Une application fait notamment parler d'elle, par les résultats qu'elle propose : ChatGPT. Certains la présentent comme une menace, pour nombre de métiers. L'impact de ChatGPT dans le monde de l'éducation fait la Une des journaux, quand on évoque la triche possible des élèves aux évaluations. Bastien Masse, délégué général de l'association ClassCode et chef de projet de la Chaire Unesco Relia explique les enjeux de l'IA et de ChatGPT dans l'éducation.  Avec des modèles d'IA tels que ChatGPT, nous assistons à une transformation majeure de la manière dont nous enseignons, apprenons et évaluons les compétences des élèves.

Dans cet article, nous plongerons dans le monde complexe de l'IA et de ChatGPT, en examinant la place actuelles de ces technologies émergentes dans l'éducation nationale. Alors que les avantages et défis que ces innovations présentent sont débattus, il est devenu impératif de comprendre pleinement leur impact sur le système éducatif.

L'IA et ChatGPT : comprendre les fondamentaux

Qu'est-ce que l'intelligence artificielle ?

L'IA, c'est «  l'ensemble des technologies, techniques, architectures et même théories qui permettent de simuler des parties de l'intelligence humaine ou animale », explique Bastien Masse.  Dès que l'on parvient à produire une machine, à utiliser un algorithme pour se rapprocher de quelque chose que ferait l'humain, on peut désigner cela comme de l'intelligence artificielle. 

ChatGPT, le générateur de texte

ChatGPT est une intelligence artificielle générative, puisque son rôle est de générer des contenus, en l'occurence des textes. Ce modèle de langage basé sur l'IA excelle dans la génération de texte naturel en réponse à des questions ou des déclarations. Pour produire de tels textes, ChatGPT a besoin d'un prompt, c'est-à-dire d'un peu de matières, de données et d'une consigne. On saisit une simple petite question ou un texte plus complet qui décrit un contexte, donne des informations et pose un problème. 

ChatGPT va alors inventer une réponse en proposant les mots les plus probables, selon une suite logique. Mais attention, cela ne fait pas partie d'un raisonnement. La réponse est produite de manière statistique, en agençant des mots les uns à la suite des autres tout en restant cohérent.

En utilisant de vastes ensembles de données d'entraînement, ChatGPT a ainsi la capacité d'imiter le langage humain. C'est aujourd'hui un outil précieux qui trouve de nombreuses applications, notamment dans l'éducation.

ChatGPT, une intelligence qui effraie

Le fait que l'IA puisse simuler l'intelligence humaine fait peur. On n'a déjà du mal à définir cette intelligence humaine, alors définir et réglementer l'intelligence artificielle est ardue. Lorsque la commission européenne a tenté de la définir pour les texte de loi, elle a essayé de retirer cette notion d'intelligence pour la rendre moins difficile à cerner. On a un rapport d'inconfort avec l'IA, sans doute encore plus présent avec les IA génératives de textes comme ChatGPT, qui a trait au langage. Or, « le langage, c'est le média de notre intelligence », explique Bastien Masse.

« Quand on est face à quelque chose qui parle et écrit bien, qui donne du coup l'impression d'être intelligent, d'avoir un discours, une pensée, c'est perturbant, parce qu'on est face à de la pseudo-intelligence », poursuit-il. Et de fait, « cela remet la nôtre, qu'on a déjà du mal à définir, en question », ajoute-t-il. Certes, une IA échappe à tout ressenti émotionnel, mais elle peut le reproduire, le simuler, faire semblant. Est-on obligé de ressentir les choses pour les exprimer ou juste les dire suffit-il ?

Une brève histoire de l'évolution de l'IA

L'IA ne date pas d'hier. Elle a pointé le bout de son nez dans les années 50. C'est une technologie qui a évolué, qui est passée par des phases de ralentissement et d'accélération.  ChatGPT représente l'une des dernières itérations des modèles d'IA. Il s'appuie sur des réseaux neuronaux numériques massifs pour sa puissance de traitement.

L'utilisation de l'IA dans l'éducation nationale

L'intégration de l'intelligence artificielle (IA) dans le domaine de l'éducation a suscité de nombreux débats.

ChatGPT dans l'éducation

Il a surtout été question des risques de triche des élèves avec le recours à ChatGPT. Les enseignants redoutent de devoir corriger des contenus produits par l'IA et non plus par les élèves. Les détecteurs censés déterminer si un texte a été produit par une IA ne fonctionne pas à 100%. Par ailleurs, il existe des solutions pour contourner ces outils de détection. Tout comme pour les traductions. Certains élèves ont compris qu'en passant par deux langues avant de traduire un texte à l'aide de Google Trad, ils courent beaucoup moins de risques d'être détectés qu'avec un simple copier-coller d'une langue à une autre. 

Actuellement, l'éducation nationale adopte une approche ouverte à l'égard de l'IA. Elle encourage les enseignants à expérimenter ces outils et à tirer parti de leur expertise pour explorer de nouvelles possibilités pédagogiques. Certains les ont déjà pris en main pour leur travaux, la préparation des devoirs, les tâches administratives. Cette ouverture s'explique par la reconnaissance du potentiel de l'IA pour l'enseignement, ainsi que par la nécessité d'adapter l'éducation aux réalités technologiques actuelles.

Du côté des élèves, au-delà de la triche, ces outils peuvent apporter de nombreux éléments positifs : aider aux devoirs, aux fiches de lecture…

Comme dans tous les métiers susceptibles d'utiliser ce type d'IA, il faut le voir comme un assistant, un outil et non un remplaçant. 

L'évolution de l'évaluation

Pour Bastien Masse, « si on arrive à des situations où effectivement ChatGPT peut répondre à un devoir entier ou à une production de texte, c'est sans doute que le support, la question de base, l'évaluation elle-même, n'est plus adaptée à ce type d'outil-là ».

L'évaluation scolaire est un pilier de l'enseignement depuis des décennies. Cependant, l'introduction de l'IA met en lumière la nécessité de repenser cette pratique. Comment évaluons-nous les compétences et les connaissances des élèves de manière équitable et précise à une époque où l'IA peut générer du contenu de haute qualité ? L'objectif est que l'évaluation ait toujours du sens et qu'on n'ait pas seulement affaire à des travaux produits par des machines qui n'auront nécessité aucun investissement de la part de l'élève. 

Finalement, des outils comme l'intelligence artificielle ne posent pas réellement de nouvelles questions à l'école. Elles en soulèvent d'anciennes auxquelles on n'a toujours pas répondu. Elles les posent de manière plus profonde, plus insistante :

• Qu'est-ce qu'on apprend aux élèves à l'école ? ;

• Comment évalue-t-on ? ;

• Est-ce que les notes, les productions, les devoirs à la maison ont toujours du sens ? ;

• Quelles compétences devrait-on travailler ? ;

• N'y'a-t-il pas d'autres manières d'évaluer les mêmes compétences ou capacités ?

Repenser l'évaluation prendra du temps parce que cela nécessite une refonte du système scolaire, d'une partie des programmes et finalement aussi de la culture de l'enseignement à l'école, d'après Bastien Masse.

💡 Vous pouvez écouter l’épisode avec William Lafleur, sur les conditions de travail des enseignants et l’impact sur les élèves. Il est notamment question des réformes régulières menées dans l’Éducation nationale.

L'éducation à l'IA : une nouvelle matière ?

L'intelligence artificielle est un thématique un peu abordée dans le programme en seconde. Elle est aussi évoquée toujours au lycée, dans des matières comme NSI (Numérique et Sciences Informatiques) et SNT (Sciences Numériques et Technologies).

L'IA est présentée de manière technique. Par contre, les bases théoriques pour réfléchir à ce à quoi on est confronté en tant qu'individu avec l'IA ne sont pas inscrites au programme. Pour Bastien Masse, ce serait intéressant de le faire dès le primaire : « Ça veut pas dire mettre plus d'écrans, ou utiliser même des écrans. On peut faire du débranché. On peut faire de l'accompagnement à travers les concepts. On peut commencer à poser les bases de cette réflexion-là, qui feront que quand on sera exposé à ces outils, on aura déjà une meilleure compréhension. »

🎧 Écouter l'épisode « Ce que l 'on n'apprend pas à l'école » avec Victoria Guillomon

Bastien Masse suggère donc de distiller de manière plus assumée les concepts et les réflexions qui permettent de mieux comprendre et de faire face à tous ces changements technologiques. ClassCode, collectif de plus de 50 structures partenaires issues de l'éducation et du numérique, propose à cette fin une approche citoyenne avec une réflexion interdisciplinaire. Au-delà de l'approche technique, les questions soulevées par les outils issus de l'IA doivent être traitées : qu'est-ce qui nous dérange dans ces outils ?

Cela contribuera à préparer les jeunes au monde de demain. 

Il est d'ailleurs intéressant d'en discuter avec des élèves de sept et dix ans. Leurs réponses et expressions montrent la maturité qu'ils ont là-dessus, leur envie de comprendre, eux qui sont habitués à interagir avec des machines, à leur poser des questions, témoigne Bastien Masse.

Les parents et l'IA : entre peur et réalité

Prendre le temps de comprendre l'IA

Du côté des parents, l'avènement de l'IA dans la sphère grand public, suscite diverses réactions.

De nombreux parents entretiennent une perception mitigée de l'IA et notamment ChatGPT en éducation. Pour certains, c'est une source de préoccupation, principalement en raison du manque de compréhension de ces technologies. La peur, la méfiance sont souvent liées à l'incompréhension et à l'ignorance. L'IA est un concept difficile à saisir, non pas dans son fonctionnement, mais dans les questions qu'elle soulève et auxquelles on a du mal à répondre. C'est pourquoi il est important d'avoir une critique rationnelle de l'IA, de connaître ses limites.  Pour d'autres, l'IA est une opportunité pour aider leurs enfants à réussir.

Les inquiétudes des parents tournent souvent autour de la peur que l'IA encourage la triche et remplace certains métiers. Sur ce dernier point, Bastien Masse préfère parler de compétences qui se transforment plutôt que de métiers qui disparaissent. Et il faut effectivement être en mesure d'adapter notre travail et nos connaisssances à ces nouveaux outils. Il est nécessaire d'apprendre à connaître leurs capacités et leurs limites et ce qu'ils peuvent apporter. 

Partager autour des enjeux de l'IA et de ChatGPT dans l'éducation

Bastien Masse estime qu'il faut enlever le côté peur, pouvoir discuter, regarder ce que font les enfants avec ces outils, la connaissance qu'ils en ont et refaire du lien. Pour des questions de logistique, de pratique, de légalité, l'accompagnement direct est compliqué entre enseignants, élèves, parents. Il y a rupture alors que cette compétence relationnelle des humains, c'est ce qui permet notamment de nous distinguer des machines. « En tant qu'humain, on est censé pouvoir faire preuve de davantage de communication, de collaboration, de partage d'idées. »

La compréhension des parents, leurs préoccupations légitimes et leur engagement dans la discussion sont essentiels pour garantir que ces technologies bénéficient réellement à l'apprentissage de leurs enfants. C'est un peu de l'ordre du « devoir citoyen ». C'est notamment pour ça qu'est né Class-Code. L'objectif était de produire des contenus à l'origine pour les enseignants. Finalement, ils se sont étendus au grand public, pour l'aider à comprendre les fondements scientifiques, la pensée informatique. 

Tout comme les enseignants, les parents peuvent donc avoir accès au Mooc gratuit sur l'intelligence artificielle disponible sur Funmooc et élaboré par Class-Code. Et un livre ouvert à destination des enseignants sur l’usage de l’IA en éducation avec une partie sur les IA générative comme ChatGPT dans l’éducation, est disponible sur la chaire Unesco Relia.

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